Smart cities et Intelligence ubiquitaire

Intelligence ubiquitaire

Contributeurs : Marc Schoenauer (INRIA)

Mots clés : réseaux pair à pair (P2P), réseaux ad hoc, observations des phénomènes spatio-temporels multi-échelles (réseaux trophiques, agriculture, météorologie, etc.), algorithmes épidémiques, modèles computationnels et théorie de l’information, calcul spatial, systèmes d’auto-conscience, sens commun, confidentialité.

Introduction
La technologie actuelle permet et demande une rupture dans les modes d’acquisition et de traitement des informations, passant de l’approche monolithique à la mise en réseau d’un grand nombre d’unités de calcul éventuellement hétérogènes. Cette nouvelle approche, reposant sur la distribution du traitement et du stockage, doit permettre d’ajouter de l’intelligence aux artefacts qui constituent désormais notre environnement et de repousser les limites de l’informatique classique (essoufflement de la loi de Moore).

Cet objectif à long terme demande :

  • de résoudre les problèmes d’organisation physique et de communications (routage et contrôle distribué),
  • de mettre au point des mécanismes d’auto-régulation et de contrôle,
  • de concevoir de nouveaux modèles de calcul,
  • de spécifier des environnements de programmation adaptative (apprentissage, rétroaction et sens commun).

Les limites technologiques du modèle de calcul séquentiel de von Neumann semblent aujourd’hui atteintes et exigent de nouveaux paradigmes pour répondre à la demande de puissance computationnelle émanant de nos sociétés modernes. Au cœur de ces nouveaux paradigmes figure la distribution des tâches entre les architectures décentralisées (par exemple, les processeurs multi-cœurs, les grilles de calcul). Traiter la complexité de tels systèmes est incontournable pour répondre aux objectifs de passage à l’échelle et de robustesse dans un cadre décentralisé. Par ailleurs, il est maintenant technologiquement possible de disséminer des capteurs et des moyens de calcul partout où ils sont nécessaires. Cependant, leur exploitation nécessite leur mise en réseau ; pour des raisons physiques, chaque élément ne peut se connecter qu’à ses proches voisins (réseau ad hoc). Dans d’autres contextes, les réseaux pair a pair reposent également sur une visibilité restreinte de l’ensemble des éléments. Dans les deux cas (réseaux ad hoc et P2P), l’enjeu est de pouvoir exploiter au mieux les informations disponibles sur l’ensemble du réseau. Les défis proposés ici concernent l’ensemble de ces nouveaux systèmes computationnels ; on retrouvera certains enjeux des réseaux sociaux ou écosystémiques également traités dans cette feuille de route.

Grands défis

 


2.9.1. Conception locale pour les propriétés générales (routage, contrôle et confidentialité)

Routage, contrôle et confidentialité
Pour mieux concevoir et gérer les grands réseaux, nous devons comprendre comment émergent les comportements généraux alors même que chaque élément prend des décisions au niveau local avec une vision très restreinte du système dans sa totalité. Un modèle de base est celui des algorithmes épidémiques, dans lesquels chaque élément échange des informations avec des éléments voisins. Un enjeu de conception repose sur la nature des informations échangées (prenant notamment en compte les contraintes de confidentialité) et sur la sélection des voisins correspondants qui conditionnent le comportement général du système.

Méthodes : théorie de l’information, systèmes dynamiques, physique statistique, algorithmes épidémiques, algorithmes inspirés par le vivant.


2.9.2. Calcul autonome

Robustesse, redondance, résistance aux défaillances
L’autonomie des systèmes computationnels est une condition nécessaire pour leur déploiement à grande échelle. Les propriétés d’autonomie requises se rapprochent des propriétés du vivant : robustesse, fiabilité, résilience, homéostasie. Une difficulté est due à la taille et l’hétérogénéité de tels systèmes, qui rendent sa modélisation analytique particulièrement complexe ; de surcroît, les réactions du système dépendent du comportement dynamique et adaptatif de la communauté des utilisateurs.

Méthodes : systèmes inspirés par le vivant, systèmes d’auto-conscience.


2.9.3. Nouveaux modèles computationnels

Résolution et stockage distribué, fusion d’informations spatiales, temporelles ou multimodales, émergence d’abstractions
La mise en réseau d’un grand nombre d’unités informatiques, très souvent hétérogènes (grilles, P2P, processeurs n-cœurs) requiert une capacité de traitement gigantesque. Or, pour utiliser efficacement de telles capacités, nous avons besoin de nouveaux modèles de calcul qui prennent en compte non seulement la distribution des traitements sur des unités de faible puissance, mais aussi le manque de fiabilité de ces unités et des voies de communication. De même, la distribution des données (réseaux de capteurs, RFID, P2P) lance des défis spécifiques en termes d’intégration, de fusion, de reconstitution spatio-temporelle et de validation.

Méthodes : Algorithmes neuro-mimétiques, propagation des croyances.


2.9.4. Nouveaux paradigmes de programmation : création et ancrage des symboles

Apprentissage automatique, rétroaction et sens commun
La programmation de systèmes dédiés à l’intelligence ambiante (domotique, bien vieillir, remise en forme) doit permettre l’intervention de l’utilisateur. La spécification du comportement attendu demande un lien transparent entre les données de bas niveau disponibles et les concepts naturels de l’utilisateur (par exemple, ancrage des symboles). Par ailleurs, le programme de recherche doit être nourri par l’étude des usages ; la coévolution entre l’utilisateur et le système informatique conduit à l’apparition de systèmes hybrides complexes.

Méthodes : interface cerveau-machine, programmation par démonstration, apprentissage statistique.

 

 

Matière complexe

La matière complexe

Rapporteur : François Daviaud (CEA).

Contributeurs : Giulio Biroli (CEA), Daniel Bonamy (CEA), Elisabeth Bouchaud (CEA), Olivier Dauchot (CEA, Commissariat à l’energie atomique), François Daviaud (CEA), Marc Dubois (CEA SPEC), Berengère Dubrulle (CEA), François Ladieu (CEA), Denis L’Hôte (CEA).

Mots clés : dynamiques vitreuses, relaxations lentes, frustration et désordre, comportements collectifs, systèmes hors équilibre et non linéaires, auto-organisation, turbulence, effet dynamo, fracture.
Introduction
Le domaine des systèmes complexes et hors équilibre est actuellement enrichi par un grand nombre de nouvelles expériences et concepts théoriques dans diverses branches de la physique, de la physique de la matière condensée à la physique des gaz atomiques ultra-froids, et de la biologie. Au-delà de leur diversité apparente, ces systèmes partagent une même caractéristique : l’émergence de comportements collectifs complexes à partir de l’interaction de composants élémentaires. Les dynamiques vitreuses, les systèmes hors équilibre, l’émergence de structures auto-organisées ou auto-assemblées, la criticité, les systèmes de percolation, la propagation des parois de domaines et l’épinglage des parois élastiques, les systèmes non linéaires, la propagation des turbulences et des ruptures sont quelques-uns des sujets relatifs à l’étude de la matière complexe qui ne peuvent être abordés qu’au moyen des outils développés pour l’étude des systèmes complexes. La compréhension de ces phénomènes requiert également le développement de nouvelles méthodes théoriques en physique statistique et la conception de nouveaux types d’expériences.

Grands défis

 


2.1.1. Physique statistique hors équilibre

L’intérêt ancien durable pour les phénomènes hors équilibre a récemment connu un regain notable, ce qui s’explique par le développement de nouveaux concepts théoriques (en particulier sur les symétries des fluctuations de non-équilibre) et de nouveaux domaines d’application, de la physique de la matière condensée à d’autres branches de la physique (collisions d’ions lourds, Univers primordial), et de la biologie (manipulation de molécules uniques). Les phénomènes de non-équilibre jouent également un rôle important dans de nombreuses applications interdisciplinaires de la physique statistique (modélisation du comportement collectif des animaux ou des agents économiques et sociaux).

Un système physique peut être hors équilibre pour l’une des deux raisons suivantes :

  • Dynamiques lentes. Les dynamiques microscopiques du système sont réversibles, de sorte que le système possède une véritable situation d’équilibre. Les dynamiques de certains degrés de liberté sont néanmoins trop lentes pour que ces variables s’équilibrent au cours de l’expérience. Le système est donc dans un état de non-équilibre évoluant lentement pendant une très longue période (à l’infini dans certains systèmes modèles). Les traits caractéristiques de ce régime de relaxation de non-équilibre, y compris la violation du théorème fluctuation-dissipation, ont fait l’objet d’une intense recherche au cours de la dernière décennie. Ces phénomènes sont appelés phénomènes de « vieillissement » (voir section sur les dynamiques vitreuses).
  • Dynamiques forcées. Les dynamiques du système ne sont pas réversibles, généralement en raison de forces macroscopiques dues à des forces extérieures. Par exemple, un champ électrique induit un courant non nul dans tout le système, anéantissant la réversibilité des dynamiques stochastiques sous-jacentes. Le système atteint un état stationnaire de non-équilibre permanent. Il existe aussi des systèmes (du moins des systèmes modèles) où l’absence de réversibilité se situe exclusivement au niveau microscopique et ne dépend pas de forces macroscopiques extérieures. Le paradigme de ce type de situation est le célèbre modèle de l’électeur.

L’un des progrès les plus marquants de la dernière décennie a été la découverte de toute une série de résultats généraux concernant les symétries des fluctuations spontanées des états de non-équilibre. Ces théorèmes associés à des noms tels que Gallavotti, Cohen, Evans et Jarzynski, ont été appliqués ou testés dans de nombreuses circonstances, dans la théorie comme dans l’expérimentation.

La plupart des efforts récents dans ce domaine ont été consacrés à l’interaction des systèmes de particules. Cette vaste catégorie de systèmes stochastiques est couramment utilisée pour modéliser un large éventail de phénomènes de non-équilibre (réactions chimiques, conduction ionique, transport dans les systèmes biologiques, circulations et écoulements granulaires). Les méthodes analytiques sont un moyen efficace pour étudier un grand nombre de systèmes de particules en interaction ; elles ont déjà permis de résoudre certaines questions concernant ces systèmes.

Si le formalisme habituel de la physique statistique à l’équilibre ne s’applique pas aux systèmes hors équilibre, nous savons à présent que la plupart des outils développés pour les systèmes à l’équilibre peuvent également être utilisés pour les systèmes hors équilibre. C’est notamment le cas dans le cadre de comportements critiques, où des concepts tels que l’invariance d’échelle et l’échelonnage de taille finie ont fourni des preuves (essentiellement numériques) de l’universalité des systèmes de non-équilibre. Il est possible d’étudier des systèmes dans lesquels le caractère de non-équilibre ne provient pas de la présence de gradients imposés, par exemple, par des réservoirs de limites mais de la rupture de la microréversibilité – c’est-à-dire l’invariance de réversibilité temporelle – au niveau des dynamiques microscopiques dans la masse.

Une grande partie de la recherche sur la physique statistique hors équilibre est également axée sur les différentes transitions de phase observées dans de nombreux contextes. En effet, beaucoup de situations de non-équilibre peuvent être en interrelation, révélant un degré d’universalité qui dépasse largement les limites d’un domaine particulier : il a été démontré, par exemple, que la criticité auto-organisée du tas de sable (jeu) est équivalente au dépiégeage de l’interface linéaire en milieu aléatoire, comme à une façon particulière d’absorber les transitions de phase dans les modèles de réaction-diffusion. Un autre exemple frappant est la transition de jamming qui relie les domaines des milieux granulaires et des matériaux vitreux. Cela a été étudié expérimentalement par une expérience modèle consistant à découper une couche de disques métalliques. La synchronisation et l’échelonnage dynamique sont également des phénomènes très généraux qui peuvent être reliés entre eux ainsi qu’au problème général de la compréhension de l’universalité des systèmes hors d’équilibre.


2.1.2. Endommagement et rupture des matériaux hétérogènes

Comprendre l’interrelation entre les microstructures et les propriétés mécaniques a été l’un des principaux objectifs de la science des matériaux durant les dernières décennies. Les modèles prédictifs quantitatifs sont encore plus nécessaires pour l’étude de conditions extrêmes – température, environnement ou irradiation, par exemple – ou de comportement à long terme. Si certaines propriétés, comme les coefficients d’élasticité, se rapprochent bien de la moyenne des propriétés des divers composants microstructurels, aucune des propriétés liées à la rupture – élongation, contrainte jusqu’à défaillance, résistance à la rupture – ne suit cette simple règle, principalement : (i) en raison du gradient élevé de contrainte au voisinage d’une fissure et (ii) parce que, comme les éléments les plus fragiles de la microstructure se brisent en premier, nous avons affaire à des statistiques extrêmes. En conséquence, il est impossible de remplacer un matériau par un milieu « équivalent efficace » au voisinage d’une fissure. Cela a plusieurs conséquences importantes.

2.1.2.1. Effets de taille sur la défaillance des matériaux
Dans les matériaux fragiles, par exemple, les fissures partent des éléments les plus faibles des microstructures. En conséquence, la résistance et la durée de vie présentent des statistiques extrêmes (loi de Weibull, loi de Gumbel), dont la compréhension exige des approches fondées sur la physique non linéaire et statistique (théorie de la percolation, modèle du fusible aléatoire, etc.).

2.1.2.2 Propagation des fissures dans les matériaux hétérogènes
La propagation des fissures est le mécanisme fondamental conduisant à la défaillance des matériaux. Si la théorie du continuum élastique permet de décrire avec une grande précision la propagation des fissures dans les matériaux fragiles homogènes, nous sommes encore loin de comprendre ce phénomène en milieu hétérogène. Dans ces matériaux, la propagation des fissures présente souvent une dynamique saccadée, par sauts brusques qui s’étendent sur une vaste gamme de longueurs d’échelles. C’est également ce que suggère l’émission acoustique qui accompagne la rupture de différents matériaux et, à une bien plus grande échelle, l’activité sismique associée aux tremblements de terre. Cette dynamique de « craquement » intermittent ne peut être saisie par la théorie du continuum standard. De plus, la propagation des fissures crée une structure qui lui est propre. Cette apparition de rugosité a permis de démontrer qu’il existait des caractéristiques morphologiques universelles, indépendantes du matériau, comme des conditions de charge, rappelant les problèmes de croissance d’interfaces. Ceci suggère que des approches issues de la physique statistique peuvent permettre de décrire la défaillance des matériaux hétérogènes. Ajoutons enfin que les mécanismes deviennent bien plus complexes lorsque la vitesse de propagation des fissures augmente et se rapproche de celle du son, comme dans les problèmes d’impact ou de fragmentation, par exemple.

2.1.2.3. Déformation plastique des matériaux vitreux
En raison de l’intensification de la contrainte aux extrémités de la fissure, la rupture s’accompagne généralement de déformations irréversibles, même dans les matériaux amorphes les plus fragiles. Si l’origine physique de ces déformations irréversibles est désormais bien connue pour les matériaux métalliques, elle n’est toujours pas expliquée pour les matériaux amorphes tels que les verres d’oxyde, les céramiques ou les polymères, où les dislocations ne peuvent être définies.


2.1.3. Dynamiques vitreuses : verres, verres de spin et milieux granulaires

2.1.3.1. Verres
La physique des verres ne concerne pas uniquement les verres utilisés dans la vie quotidienne (silicates), mais un ensemble de systèmes physiques tels que les verres moléculaires, polymères, colloïdes, émulsions, mousses, verres de Coulomb, matériaux granulaires, etc. Comprendre la formation de ces systèmes amorphes, la transition vitreuse, et leur comportement hors équilibre est un défi qui a résisté à l’important effort de recherche en physique de la matière condensée au cours des dernières décennies. Ce problème concerne plusieurs domaines, de la mécanique statistique et la matière molle aux sciences des matériaux, en passant par la biophysique. Plusieurs questions ouvertes sont posées : le blocage est-il dû à une réelle transition de phase sous-jacente ou s’agit-il d’un simple croisement avec une partie de l’universalité du mécanisme de forçage ? Quel est le mécanisme physique responsable du ralentissement de la dynamique et de la vitrosité ? Quelle est l’origine des effets de vieillissement, de rajeunissement et de mémoire ? Quels sont les concepts communs qui émergent pour décrire les différents systèmes évoqués ci-dessus et qui demeurent spécifiques à chacun d’eux ?

Il est toutefois intéressant de noter qu’il a récemment été établi que le ralentissement visqueux des liquides en surfusion et autres systèmes amorphes pourrait être lié à l’existence de véritables transitions de phase d’une nature très particulière. Contrairement aux transitions de phase habituelles, la dynamique des vitrifiants ralentit considérablement, alors que leurs propriétés structurelles ne changent presque pas. Nous commençons seulement à comprendre la nature de l’ordre amorphe à longue distance qui apparaît à la transition vitreuse, les analogies avec les verres de spin et leurs conséquences physiques observables. L’une des conséquences les plus intéressantes est l’existence d’hétérogénéités dynamiques (HD) : il a été découvert qu’elles étaient (dans le domaine spatio-temporel) l’équivalent de fluctuations critiques dans les transitions de phase standard. Intuitivement, à mesure que l’on approche de la transition vitreuse, des régions de plus en plus importantes de la matière doivent se déplacer simultanément pour permettre l’écoulement, ce qui produit des dynamiques intermittentes, dans l’espace et le temps. L’existence d’une transition de phase sous-jacente et d’hétérogénéités dynamiques devrait influer sensiblement les comportements rhéologiques et de vieillissement de ces matériaux, qui sont en effet très différents des comportements des simples liquides et solides. En conséquence, les progrès dans la compréhension des dynamiques vitreuses devraient donner lieu à plusieurs avancées technologiques. Les propriétés particulières des verres sont technologiquement utilisées, par exemple, pour l’entreposage des déchets nucléaires.

D’un point de vue expérimental, les principaux défis ont changé, non seulement parce que les progrès dans ce domaine ont donné lieu à des questions radicalement nouvelles, mais aussi parce que de nouvelles techniques expérimentales permettent à présent aux chercheurs d’étudier les systèmes physiques à l’échelle microscopique. Les nouveaux défis pour les années à venir sont : i) étudier les propriétés dynamiques locales pour découvrir les changements dans la manière dont les molécules évoluent et interagissent pour rendre la dynamique vitreuse, et en particulier la raison pour laquelle le temps de relaxation de liquides en surfusion augmente de plus de 14 ordres de grandeur dans une fenêtre étroite de température ; ii) apporter une preuve directe et quantitative que la dynamique vitreuse est ou n’est pas liée à une transition de phase sous-jacente ; iii) étudier la nature des hétérogénéités dynamiques (corrélation entre leur taille et leur temps d’évolution, dimensions fractales, etc.) ; iv) étudier la nature des propriétés hors équilibre des verres, comme la violation du théorème de fluctuation-dissipation, l’intermittence, etc.

D’un point de vue théorique, le plus grand défi est d’élaborer et de développer une théorie appropriée de la dynamique vitreuse à l’échelle microscopique. Il s’agira de révéler les mécanismes physiques sous-jacents qui provoquent le ralentissement et la dynamique vitreuse, et d’élaborer une théorie quantitative pouvant être confrontée aux expériences. L’objectif principal sera à nouveau axé sur les propriétés dynamiques locales, leur longueur d’échelle associée et leur relation avec les échelles de temps croissantes et les propriétés générales de la dynamique vitreuse.

2.1.3.2. Verres de spin
L’expression « verres de spin » a été inventée pour décrire certains alliages de métaux non magnétiques comportant un petit nombre d’impuretés magnétiques, disposées de manière aléatoire, où la preuve expérimentale pour une phase à basse température a démontré un gel non périodique des moments magnétiques avec une réponse aux perturbations extérieures très lente et dépendante de l’histoire du matériau. Les états fondamentaux des verres de spin sont le désordre et la frustration. La frustration exprime le fait que l’énergie de tous les couples de spins ne peut pas être simultanément réduite. L’analyse théorique des verres de spin conduit au fameux modèle Edwards Anderson : spins classiques sur réseaux hypercubiques avec interactions aléatoires entre plus proches voisins. Cela a conduit à de nombreux développements au fil des ans, et les concepts élaborés pour résoudre ce problème ont trouvé des applications dans de nombreux domaines, des verres structuraux et des milieux granulaires aux problèmes informatiques (codes de correction d’erreurs, optimisation stochastique, réseaux de neurones, etc.).

Le programme de développement d’une théorie du champ des verres de spin est extrêmement compliqué, et ses avancées sont régulières et lentes. Les méthodes théoriques ne permettent pas encore d’établir des prédictions précises en trois dimensions. Les simulations numériques rencontrent plusieurs obstacles : nous ne pouvons pas équilibrer les échantillons de plus de quelques milliers de spins, la simulation doit être reproduite pour un grand nombre d’échantillons de désordres (en raison du non-auto-moyennage), et les corrections de taille finie diminuent très lentement.

Les verres de spin constituent en outre un cadre d’expérimentation particulièrement adapté pour la recherche sur la dynamique vitreuse. La dépendance de leur réponse dynamique par rapport au temps d’attente (effet de vieillissement) est un phénomène courant observé dans des systèmes physiques très différents tels que les polymères et les verres structuraux, les diélectriques désordonnés, les gels et les colloïdes, les mousses, les contacts de frottement, etc.

2.1.3.3. Milieux granulaires au voisinage de la transition de jamming
L’expérience commune montre que si la fraction volumique de grains durs augmente au-delà d’un certain point, le système se bloque, cesse de s’écouler et devient capable de supporter des contraintes mécaniques. Le comportement dynamique des milieux granulaires à proximité de la transition de jamming est très semblable à celui des liquides à proximité de la transition vitreuse. En effet, les milieux granulaires à proximité de la transition de jamming présentent un même ralentissement considérable de la dynamique ainsi que d’autres caractéristiques vitreuses telles que les effets de vieillissement et de mémoire. L’une des principales caractéristiques de la dynamique dans les systèmes de vitrification est ce que l’on appelle généralement l’effet de cage, qui explique les différents mécanismes de relaxation : à court terme, toute particule est piégée dans une zone confinée par ses voisines, qui constituent la cage, et provoque une dynamique lente ; après une période suffisamment longue, la particule parvient à échapper à sa cage, de sorte qu’elle peut diffuser à travers l’échantillon par changements de cage successifs, ce qui accélère la relaxation. Contrairement au ralentissement critique standard, cette dynamique vitreuse lente ne semble pas liée à un accroissement de l’ordre statique local. Pour les vitrifiants, il a plutôt été suggéré que la relaxation devient fortement hétérogène et que les corrélations dynamiques augmentent à proximité de la transition vitreuse. L’existence de cette corrélation dynamique croissante est très importante, car elle révèle une sorte de criticité associée à la transition vitreuse.

On peut étudier, par exemple, la dynamique d’une monocouche bidisperse de disques sous deux forçages mécaniques différents, c’est-à-dire de cisaillement cyclique et de vibrations horizontales. Dans le premier cas, une confirmation de la similarité évoquée ci-dessous a été obtenue au niveau microscopique, et le second cas peut apporter la preuve expérimentale d’une divergence simultanée d’échelles de longueur et de temps précisément à la fraction volumique pour laquelle le système perd sa rigidité (transition de jamming).


2.1.4. Bifurcations dans les milieux turbulents : de l’effet dynamo aux dynamiques lentes

2.1.4.1. Effet dynamo
L’effet dynamo est l’émergence d’un champ magnétique à travers le mouvement d’un fluide conducteur électrique. On pense que cet effet est à l’origine des champs magnétiques des planètes et de la plupart des objets astrophysiques. L’une des caractéristiques les plus frappantes de l’effet dynamo terrestre, révélé par les études paléomagnétiques, est l’observation de renversements irréguliers de la polarité de son champ dipolaire. De nombreux travaux ont été consacrés à ce problème, par la théorie et par numérisation, mais l’ensemble des paramètres pertinents pour les objets naturels dépasse les possibilités des simulations numériques pour de nombreuses années encore, notamment en raison des turbulences. Pour les dynamos industrielles, le trajet des courants électriques et la géométrie des rotors (solides) sont entièrement définis. Comme cela ne peut être le cas pour l’intérieur des planètes ou des étoiles, des expériences visant à étudier des dynamos en laboratoire ont évolué vers l’assouplissement de ces contraintes. Les expériences menées à Riga et à Karlsruhe en 2000 ont montré que les fluides dynamos peuvent être générés par l’organisation de fluides de sodium favorables, mais les champs dynamos n’ont qu’une dynamique temporelle. La recherche de dynamiques plus complexes, telles que celles des objets naturels, a encouragé la plupart des équipes travaillant sur le problème de l’effet dynamo à concevoir des expériences avec des fluides moins contraints et un niveau de turbulence supérieur. En 2006, l’expérience Von Kármán Sodium (VKS) a été la première à montrer des régimes où une dynamo statistiquement stationnaire apparaît spontanément dans un fluide turbulent. Elle a ensuite montré pour la première fois d’autres régimes dynamiques, tels que les renversements irréguliers comme ceux de la Terre, et les oscillations périodiques, comme celles du Soleil.

Ces régimes complexes, impliquant un puissant couplage entre hydrodynamiques et MHD, doivent être étudiés en détail. Ils révèlent en particulier que si le champ magnétique dynamo est généré par les fluctuations turbulentes, il se comporte comme un système dynamique présentant peu de degrés de liberté.

Les prédictions théoriques concernant l’influence de la turbulence sur le seuil dynamo du fluide moyen sont rares. De faibles fluctuations de vitesse produisent un faible impact sur le seuil dynamo. Des prédictions pour des amplitudes de fluctuations aléatoires peuvent être obtenues si l’on considère la dynamo turbulente comme une instabilité forcée par le fluide moyen) en présence d’un bruit multiplicatif (fluctuations turbulentes). Dans ce contexte, les fluctuations peuvent favoriser ou entraver la croissance du champ magnétique en fonction de leur intensité ou du temps de corrélation. Les méthodes de simulation directe et de simulation numérique stochastique des équations de magnétohydrodynamique (MHD) peuvent être utilisées pour étudier l’influence de la turbulence sur le seuil dynamo.

2.1.4.2. Bifurcations en milieu turbulent
À des nombres de Reynolds élevés, certains systèmes sont soumis à une bifurcation turbulente entre différentes topologies moyennes. De plus, cette bifurcation turbulente peut conserver la mémoire de l’histoire du système. Ces aspects de la bifurcation turbulente rappellent les propriétés classiques des bifurcations dans les systèmes de petite dimension, mais la dynamique de bifurcation est réellement différente, probablement en raison de la présence de fluctuations turbulentes très importantes. Les études à venir porteront sur la pertinence universelle du concept de multistabilité moyenne pour les états de systèmes à fortes fluctuations et les transitions entre ces états (inversions magnétiques de polarité terrestre, changements climatiques entre les cycles glaciaires et interglaciaires, par exemple). La dynamique lente des systèmes turbulents, dans les cas où des échanges de stabilité peuvent être observés pour des quantités globales ou des propriétés moyennes du fluide, devrait également être étudiée, et des modèles non linéaires ou stochastiques de ces transitions devraient être élaborés.

Dans le cas des fluides turbulents à symétrie, il est également possible d’élaborer une mécanique statistique et de développer une approche thermodynamique des états à l’équilibre des fluides axisymétriques à une échelle donnée de macrogranularité. Cela permet de définir une entropie de mélange et des états de dérivation de Gibbs du problème par une procédure de maximisation de l’entropie de mélange sous contrainte de conservation des quantités totales. À partir de l’état de Gibbs, on peut définir des identités générales déterminant les états à l’équilibre, ainsi que les relations entre les états à l’équilibre et leurs fluctuations. Cette thermodynamique doit être testée sur des fluides turbulents, le fluide Von Kármán, par exemple. Les températures réelles peuvent être mesurées et les résultats préliminaires montrent qu’ils dépendent de la variable prise en compte, comme dans d’autres systèmes hors équilibre (verre). Enfin, nous pouvons déduire une paramétrisation du mélange non visqueux pour décrire la dynamique du système à une échelle de macrogranularité. Les équations correspondantes ont été appliquées numériquement et peuvent être utilisées comme modèle de turbulence à une nouvelle échelle sous-maille.

 

 

Mémoire

mémoire neuronale, immunologiques, mémoire des matériaux, mémoire sociale,

Hystérésis, épigénétique, mémoire long terme / court terme. verres de spin mémoire lié au rajeunissement et vieillissement, ferromagnétisme, comment modéliser l’émergence de la mémoire ? persistance de signaux via un encodage collectif, rétention et protension, En info : relation entre calcul et mémoire, caractère multi-échelles de l’organisation de la mémoire.

 

 

Alimentation

Symbioses, fermentations, kéfir,

Nathalie et Christophe

 

 

Algorithmes et société

 

 

 

Organisation et désorganisation

Résilience, robustesse, cloture opérationnelle, autopoièse, gouvernance, régulation, rétroactions positive et négatives, ordre amorphe, auto-organisation, vieillissement, processus enchevêtrés, entropie, adaptation, sélection, diversité/variabilité, stochasticité, ordre par le bruit,

 

Véronique, David

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Des molécules aux organismes et écosystèmes (2017)

Des molécules aux organismes

Rapporteur : Christophe Lavelle (IHES).

Contributeurs : Pierre Baudot (ISC-PIF), Hugues Berry (INRIA, Saclay), Guillaume Beslon (IXXI-LIRIS, Lyon), Yves Burnod (INSERM, Paris), Jean-Louis Giavitto (IBISC, Evry), Francesco Ginelli (CEA, Saclay), Zoi Kapoula (CNRS, Paris), Christophe Lavelle (IHES, Bures sur Yvette), André Le Bivic (CNRS SDV, Marseille), Nadine Peyrieras (CNRS, Gif s/Yvette), Ovidiu Radulescu (IRMAR, Rennes), Adrien Six (UPMC, Paris).

Mots clés : biologie des systèmes et biologie intégrative, stabilité, fluctuation, bruit et robustesse, physiopathologie, réseaux biologiques, biologie computationnelle, approches multi-échelles dans les systèmes biologiques, holonbionte.

Introduction
La recherche biologique produit des connaissances supposées, à un certain point, être transférées en recherche clinique et traduites en avancées médicales pour le traitement des physiopathologies humaines. On espère ainsi trouver, si possible, des remèdes aux maladies, ou du moins mieux les comprendre. Il est pourtant de plus en plus évident qu’une meilleure compréhension ne peut émerger que d’une vision plus holistique ou intégrative des systèmes biologiques. Il nous faut donc développer une meilleure compréhension des systèmes biologiques en tant que systèmes complexes et transférer cette compréhension à la recherche clinique. Cela exige une approche fortement interdisciplinaire et devrait fournir de nouvelles connaissances en physiologie et en pathologie.

Après une brève présentation des objectifs généraux et des concepts abordés dans cette section, nous verrons de manière plus détaillée quatre défis majeurs. Comment les recherches devraient être motivées en biologie est sujet à débat. Doivent-elles être fondées sur des données, des objets ou des hypothèses ? Sommes-nous au moins d’accord sur l’objectif de déchiffrage des chaînes causales qui sous-tendent les processus biologiques ? Attendons-nous des modèles qu’ils apportent des informations et des connaissances sur le comportement des systèmes biologiques et qu’ils nous permettent d’élaborer des prédictions précises ?

Les avancées récentes en génomique fonctionnelle et dans l’étude des maladies complexes telles que le cancer, les maladies auto-immunes ou infectieuses, les maladies mitochondriales ou les syndromes métaboliques, ont montré la nécessité d’une autre approche de la biologie, une vision selon laquelle la pathologie et la physiologie sont le résultat des interactions de nombreux processus à différentes échelles. La nouvelle discipline scientifique de la biologie des systèmes est née de ce point de vue ; elle est axée sur l’étude des gènes, des protéines, des réseaux de réactions biochimiques et de la dynamique des populations cellulaires, considérés comme des systèmes dynamiques. Elle étudie les propriétés biologiques résultant de l’interaction de nombreux composants, en examinant les processus à différentes échelles et leur intégration systémique générale. La science des systèmes complexes fournit un cadre conceptuel et des outils efficaces pour tenter de comprendre les caractéristiques émergentes et immergentes, des molécules aux organismes et inversement. Le terme d’« immergence » implique que certaines contraintes à macro-niveau s’écoulent en cascade, de manière causale, vers des micro-niveaux. Les propriétés émergentes et immergentes doivent être pensées à partir de la reconstruction multi-échelles des données enregistrées aux échelles spatio-temporelles appropriées. Nous nous attendons à trouver des processus génériques (modèles de conception pour l’informatique) qui s’appliquent des niveaux supérieurs aux niveaux inférieurs d’organisation, et vice versa, et qui permettent leur couplage ; par exemple la synchronisation, le renforcement, l’amplification, l’inhibition, obtenus au moyen de processus de base tels que la signalisation par les interactions moléculaires, la diffusion, le transport vésiculaire, le transport ionique, le couplage électrique, le couplage biomécanique et la régulation des caractéristiques des molécules et des macromolécules (y compris leurs concentrations).

Les systèmes complexes impliquent presque toujours une large gamme d’échelles temporelles (en général des femtosecondes pour les réactions chimiques, des secondes pour les processus métaboliques, des jours ou des mois pour les cellules et des années pour les organismes vivants) et spatiales (en général des nanomètres pour les structures moléculaires, des micromètres pour les ensembles supramoléculaires, les organelles et les cellules, des centimètres pour les tissus et les organes, et des mètres pour les organismes). Déterminer l’échelle spatio-temporelle pertinente pour l’expérimentation et la modélisation est un enjeu majeur. Les approches classiques (biochimie, biologie cellulaire et moléculaire, études cognitives et comportementales, etc.) utilisent généralement une échelle « de préférence » déterminée par défaut, essentiellement en raison des protocoles et expériences fondamentaux conçus pour ne fonctionner qu’à une échelle spécifique. Les interactions entre les différentes échelles dans les observations, expérimentations, modèles et simulations deviennent un défi transdisciplinaire passionnant.

Les variations des systèmes biologiques soulèvent la question d’un comportement moyen, caractéristique ou représentatif. Déterminer leurs quantités, et savoir si elles sont scientifiquement utiles, exige de caractériser et de mesurer la variabilité et les fluctuations aux niveaux de la molécule, de la cellule, de la population de cellules et au niveau physiologique. L’origine et la signification fonctionnelle des fluctuations dans les systèmes biologiques, même aux échelles spatio-temporelles où elles se produisent, demeurent largement inconnues. Leur signification fonctionnelle pourrait être abordée à travers leur transmission multi-échelles et leur éventuelle amplification, réduction/amortissement ou leur rôle dans la médiation des bifurcations.

De toute évidence, la compréhension ne résultera pas d’une description individuelle ou d’une modélisation d’organismes (cellule virtuelle, organisme virtuel), mais plutôt de l’identification des composants pertinents pour un problème donné et de la reconstruction de modèles axés sur les mécanismes impliqués. Une telle reconstruction doit utiliser des outils mathématiques et physiques empruntés, entre autres, à la thermodynamique hors équilibre et aux systèmes dynamiques. De nouveaux outils seront également nécessaires pour répondre à des questions spécifiques de la biologie. Enfin, introduire une vision systémique et utiliser des principes et un cadre conceptuel des systèmes complexes pour une meilleure compréhension de la physiopathologie humaine pourrait conduire à un nouveau diagnostic différentiel et améliorer les soins médicaux.

Grands défis

  • Fluctuations et bruit dans les systèmes biologiques
  • La stabilité en biologie
  • Approches multi-échelles
  • Physiopathologie humaine

 


2.2.1. Fluctuations et bruit dans les systèmes biologiques

Au cours de son développement, la biologie moderne a eu souvent recours aux notions de comportements moyens et d’individus moyens. Mais ce cadre conceptuel a été récemment remis en question par l’observation empirique. Des mesures quantitatives de cellules vivantes individuelles, ou à l’intérieur de ces cellules, ont révélé la grande variabilité et la fluctuation de la dynamique cellulaire entre différentes cellules ou différents moments dans la même cellule. Ces observations ouvrent un nouveau cadre conceptuel en biologie, où le bruit doit être pleinement pris en considération si nous voulons comprendre les systèmes biologiques ; cette vision s’écarte du cadre classique qui considère que le bruit et les fluctuations sont une erreur de mesure ou de « simples » fluctuations thermodynamiques qui devraient être supprimées par les cellules.

Ce nouveau point de vue soulève de nombreuses questions, ainsi que les deux problèmes théorique et pratique susceptibles de modifier profondément notre compréhension des systèmes biologiques. Pour aborder ces questions, nous devons toutefois développer un programme complet de recherche scientifique allant des mesures précises à l’analyse de l’origine et du rôle fonctionnel de la stochasticité dans les systèmes biologiques. Pour réaliser de telles avancées, nous devons, entre autres :

  • Améliorer la technologie pour les mesures quantitatives du bruit et des fluctuations dans la cellule, les populations de cellules, les tissus, les organes et les individus. Il faudra en particulier identifier les moments caractéristiques à chaque niveau d’organisation et les indicateurs expérimentaux les plus appropriés.
  • Identifier les mécanismes produisant le bruit et les fluctuations dans les systèmes biologiques et répondre en particulier aux questions suivantes : quelles sont les modalités de transmission multi-échelles des fluctuations ? Les fluctuations sont-elles amplifiées ou réduites/amorties en passant d’une échelle aux autres ? Sont-elles importantes par rapport aux bifurcations dans le destin de l’organisme ou de la cellule ?
  • Comprendre la signification fonctionnelle des fluctuations dans différents systèmes biologiques. Il a par exemple été suggéré que les fluctuations pourraient améliorer la robustesse des êtres vivants. D’autres processus peuvent toutefois être envisagés (résonance stochastique, augmentation des taux de signalisation, différenciation cellulaire, évolution, etc.). Cette signification fonctionnelle implique que les systèmes biologiques sont capables de contrôler le niveau de bruit.
  • Définir les éventuels mécanismes par lesquels les systèmes biologiques peuvent contrôler leur niveau de fluctuation (boucles de rétroaction négative/positive dans les réseaux biochimiques, adaptation neuronale dans les réseaux corticaux, mutations adaptatives et mutation ponctuelle, régulations et réseaux dans le système immunitaire).
  • Remettre en question le sens des processus habituels d’établissement de moyennes dans la biologie expérimentale. Dans le cas des réseaux biochimiques, les données collectées sur les populations de cellules peuvent-elles être utilisées pour déduire le réseau réel dans une cellule individuelle donnée ? Des questions similaires se posent dans le cas des structures de connexion des réseaux corticaux et de la reconstruction des lignées cellulaires.

Ces questions peuvent être abordées dans divers systèmes biologiques tels que (et non exhaustivement) :

  • Les réseaux de transcription et de régulation : il est à présent clair que l’activité transcriptionnelle de la cellule est hautement stochastique. Certaines des causes moléculaires de cette stochasticité ont été identifiées, mais son origine précise et ses mécanismes de régulation restent à découvrir. Cela exigera tout d’abord le développement de méthodologies de mesure appropriées pour permettre de quantifier ces fluctuations à différentes échelles temporelles dans la cellule.
  • Les neurones et les réseaux neuronaux : l’activité « continue » au sein des circuits corticaux est une activité spontanée générée par le caractère récurrent de ces réseaux. Elle a longtemps été considérée comme un simple bruit ajouté aux signaux environnementaux. Des études récentes ont toutefois attribué un véritable rôle fonctionnel à cette activité continue qui pourrait faciliter la propagation du signal et être impliquée dans les processus d’adaptation. Il a été démontré que des effets inhibiteurs réduisent la variabilité au niveau de la cellule individuelle comme de la population de cellules.
  • La diversité du système immunitaire : le système immunitaire se caractérise par sa diversité à différents niveaux ; diversité des récepteurs des lymphocytes, populations d’effecteurs et de régulateurs, dynamique des populations de cellules, sélection et compétition des cellules et migration à travers tout l’organisme sont le résultat de mécanismes stochastiques ou de sélection dont l’impact sur l’efficacité générale du système doit encore être décrit.
  • La variabilité incontrôlée est souvent considérée comme une source de perturbations majeures pour le destin des organismes. Nous pouvons en trouver des exemples dans le processus de vieillissement, le cancer, les maladies auto-immunes, les infections ou les maladies dégénératives. Toutefois, le débat sur l’influence concrète du bruit reste ouvert. Un point en particulier reste à déterminer : dans quelle mesure les processus dégénératifs sont-ils une conséquence de l’accumulation de bruit, une variation des propriétés du bruit ou d’événements stochastiques exceptionnels.
  • La variabilité au niveau génétique est le premier moteur de l’évolution et peut être indirectement régulée en fonction des caractéristiques spatio-temporelles de l’environnement (sélection pour la robustesse, par exemple, ou pour l’évolutivité). En outre, les individus clonaux peuvent être très différents les uns des autres en raison de la variabilité phénotypique intrinsèque et extrinsèque. Les mécanismes par lesquels la variabilité héréditaire et non héréditaire est régulée doivent encore être décrits et leur influence sur le processus d’évolution est largement méconnue.

En ce qui concerne la modélisation des fluctuations, il existe plusieurs outils mathématiques et physiques, mais ils doivent être améliorés :

  • Les modèles stochastiques sont largement utilisés en biologie des systèmes moléculaires. Les algorithmes de simulation (algorithme de Gillespie) utilisent la représentation Delbrück Bartholomay Rényi de la cinétique biochimique comme processus markovien de sauts. Pour améliorer les résultats de ces méthodes (coûteuses en termes de temps) plusieurs systèmes approximatifs ont été proposés, par exemple l’approximation des variables de Poisson par les variables gaussiennes ("tau-leaping"). Les approximations hybrides sont plus appropriées aux processus multi-échelles et elles pourraient être développées en associant moyenne et loi des grands nombres. Dans certains cas simples, l’équation maîtresse peut être résolue.
  • Il est également intéressant de transférer des concepts de la physique à la biologie. Les théorèmes de fluctuation, par exemple, relatifs à l’apparition de fluctuations hors équilibre dans les échanges de chaleur avec le milieu ambiant, et les théorèmes de travail relatifs aux fluctuations thermodynamiques dans les petits systèmes proches de l’équilibre pourraient être appliqués pour décrire les fluctuations dans les réseaux de gènes, les processus de transcription d’ADN et le depliement/repliement des biomolécules.

2.2.2. La stabilité en biologie

Nous trouvons différentes définitions de la stabilité selon le phénomène, le modèle ou la communauté proposant le concept. Les concepts les plus fréquemment évoqués sont l’homéostasie pour le contrôle métabolique, le concept de la Reine Rouge, en biologie évolutive, décrivant un développement permanent permettant de maintenir la stabilité des conditions dans un environnement changeant, la robustesse dans la biologie des systèmes par rapport à l’insensibilité aux perturbations ou la canalisation et les attracteurs dans la biologie du développement et l’écologie.

Les principaux défis sont :

1) Pour chercher à comprendre la stabilité des systèmes biologiques, continuellement soumis à des perturbations intrinsèques et extrinsèques, nous devons développer la notion de situation d’équilibre, ou, plus généralement, la notion d’attracteur. Nous avons besoin de nouveaux concepts mathématiques pour saisir les subtilités de la stabilité biologique.

  • La stabilité en temps fini est un concept qui peut servir à définir la stabilité lorsque l’on sait que le système exploite ou maintient sa structure inchangée dans un temps fini. Les conditions dans lesquelles les variables du système demeurent dans des limites finies nous intéressent particulièrement. Pouvons-nous étendre ce formalisme à d’autres propriétés (oscillations, production optimale de biomasse, etc.) ?
  • La stabilité en temps fini dépend de l’existence de sous-systèmes présentant différents temps de relaxation. Il est donc important de développer des méthodes permettant d’estimer le temps de relaxation le plus long des sous-systèmes. Pour les systèmes composés, comment pouvons-nous relier les temps de relaxation des éléments à ceux du système ?
  • La notion de résilience est également une généralisation de la notion de stabilité, particulièrement intéressante dans ce contexte. Elle met en effet l’accent sur la capacité à restaurer ou maintenir des fonctions majeures soumises à des perturbations. Les formalisations de ce concept, fondé sur les propriétés des systèmes dynamiques (mesure de la taille des bassins d’attraction), voire sur la théorie de la viabilité (coût du retour dans un noyau de viabilité), devraient devenir plus opérationnelles pour favoriser une plus large diffusion.

2) Le fonctionnement des organismes multicellulaires s’opère au niveau de la population cellulaire et non au niveau de la cellule individuelle. Par ailleurs, la stabilité d’une population cellulaire (tissu) est généralement différente de celle de la cellule individuelle. Les cellules extraites de tumeurs, par exemple, peuvent revenir à une activité normale lorsqu’elles sont injectées dans un tissu sain. Dans ce contexte, comment pouvons-nous définir et étudier la stabilité d’une population par rapport à la stabilité des individus ? De plus, nous devons considérer le même rapport dans le contexte d’un organisme en évolution, en tenant compte de la différenciation et de l’organogenèse. Ces processus constituent des exemples de rupture de symétrie, et nous aimerions déterminer si des arguments de symétrie peuvent être utilisés pour l’étude des propriétés de stabilité.

3) La biologie des systèmes étudie la robustesse comme principe d’organisation fondamental des systèmes biologiques. Comme l’a souligné H. Kitano, le cancer est un système robuste comportant quelques points faibles. La découverte de traitements et de remèdes aux maladies peut donc passer par la détermination des points faibles d’un système robuste. Pour répondre à ces questions, nous avons besoin de modèles pertinents, de nouvelles théories mathématiques et d’outils informatiques pour analyser les propriétés des modèles, et de nouvelles techniques expérimentales pour quantifier la robustesse.

4) Complexité et stabilité. Dans le processus de modélisation, nous devons être en mesure de basculer entre divers niveaux de complexité. Les propriétés stables du système pourraient être les propriétés communes à plusieurs niveaux de complexité. Plus généralement, y a-t-il un lien entre stabilité et complexité ?


2.2.3. Approches multi-échelles

Les processus biologiques mettent en jeu des événements et des processus qui se produisent à différentes échelles spatio-temporelles. Une relation hiérarchique entre ces échelles n’entre dans notre description que parce qu’elle correspond à notre point de vue subjectif, généralement fondé sur notre accès expérimental limité au système. Des approches multi-échelles empruntées à la physique théorique ont été essentiellement développées d’une manière unidirectionnelle (de bas en haut), pour intégrer des paramètres et des mécanismes à une échelle donnée à des descriptions réelles – et que nous espérons réduites – à plus grande échelle. Toutefois, les propriétés à échelle réduite sont directement associées aux propriétés à des échelles supérieures (par exemple, la distribution 3D du chromosome dans le noyau régit partiellement l’expression des gènes, qui participe elle-même à l’architecture du noyau). La complexité même des systèmes vivants et des fonctions biologiques repose en partie sur la présence de ces rétroactions bidirectionnelles entre échelles inférieures et supérieures établies au cours de l’évolution. Des approches auto-cohérentes ou itératives multi-échelles doivent donc être introduites pour prendre en compte les fortes interconnexions entre les différents niveaux et les schémas de causalité circulaires qui en découlent.

2.2.3.1. Multi-échelle vs. auto-échelle
Pour bien rendre compte du comportement d’un système biologique, une approche multi-échelles doit aborder conjointement toutes les échelles, sans omettre aucun détail microscopique ni aucun ensemble macroscopique. De toute évidence, cette modélisation atteindrait rapidement un important degré de complexité et finirait par être ingérable. Une telle limitation des descriptions multi-échelles constitue donc un défi radical pour le paradigme qui sous-tend la modélisation des systèmes biologiques.

Pour réduire le niveau de complexité, il a été proposé (Lavelle, Benecke, Lesne) de concevoir des modèles en prenant comme point de départ et ligne directrice la fonction biologique pour orienter la modélisation intégrée et utiliser l’analyse supervisée des données parallèlement à la logique biologique. L’analyse est réalisée en découpant sa logique et son application en processus fondamentaux impliquant des caractéristiques à différentes échelles, déjà intégrés dans leur formulation. Plus généralement, ce découpage permet d’obtenir des modules fonctionnels « auto-échelonnés », indépendants d’une description arbitraire ou de l’échelle de l’observation. Comme les représentations dépendantes de la fonction sont intrinsèquement multi-échelles à l’état naturel et que la fonction ne peut pas être discontinue, ce paradigme de transition requiert un modèle à échelle permanente. Les descriptions à échelle continue peuvent à première vue sembler trop complexes et non réalistes ; néanmoins, lorsqu’un tel modèle à échelle continue est élaboré dans le contexte d’une représentation dépendante de la fonction, la dimension de la variable du vecteur à considérer s’effondre.

2.2.3.2. Émergence contre immergence
La modélisation des systèmes biologiques requiert de nouveaux formalismes mathématiques capables de refléter la dynamique complexe d’un système en intégrant ses nombreux niveaux. Cela peut être réalisé en définissant des fonctions « micro vers macro » (émergence) et « macro vers micro » (immergence, micro-émergence ou causalité vers le bas) et en intégrant des couplages intra-niveau (horizontal) et inter-niveaux (vertical). La définition des variables pertinentes à chaque niveau d’organisation et une description de leurs relations est nécessaire pour obtenir des fonctions d’émergence (ou d’immergence) permettant à l’analyse de sauter du niveau microscopique (ou macroscopique) au niveau macroscopique (ou microscopique). Les phénomènes d’émergence et d’immergence sont bien connus en biologie, tout comme les liens entre la topologie de la structure des tissus et le comportement des cellules. Mais ces relations de cause à effet sont difficiles à déchiffrer, essentiellement parce que les échelles auxquelles elles se produisent ne sont pas nécessairement celles auxquelles les chercheurs effectuent leurs observations et leurs expériences.

  • Comment devons-nous procéder pour choisir les échelles spatio-temporelles pertinentes pour nos expériences, modèles et théories (auto-échelonnage plutôt que échelonnage multiple exhaustif) ?
  • Comment pouvons-nous effectuer des reconstructions multi-échelles à partir des données enregistrées à différentes échelles ? À quelles échelles spatio-temporelles le modèle ou la simulation obtenus seront-ils valables ?

2.2.4. Physiopathologie humaine

La physiopathologie humaine crée des incertitudes en raison des frontières constamment mouvantes entre les champs de disciplines telles que la neurologie, les neurosciences, la psychiatrie, l’immunologie, la cardiologie, l’endocrinologie et l’étude du métabolisme. Elle se caractérise par le dysfonctionnement et la détérioration progressifs des processus agissant sur plusieurs échelles spatio-temporelles avec des interactions non linéaires entre fonctions physiologiques et biologiques, cognition, émotions et conséquences sociales. Les problèmes peuvent d’abord résulter d’un conflit local entre des signaux internes et externes (les vertiges, par exemple), mais ce conflit peut s’étendre, se diffuser et créer de nouvelles boucles de causalité présentant de nombreuses interactions pathogènes réciproques. Les problèmes fonctionnels peuvent être primaires ou résulter d’effets secondaires de mécanismes spontanés d’adaptation visant à lutter contre une lésion ou une dysfonction primaire. Il est donc important de les dissocier.
Deux défis majeurs sont :

  • Appliquer les principes et les cadres théoriques des systèmes complexes à la conception d’études expérimentales et à l’analyse des données à différentes échelles (neurologique, physiologique, comportementale, neuropsychologique, immunologique) relatives à des individus ou à un vaste groupe de patients.
  • Découvrir des corrélations croisées et des interactions pour ouvrir de nouvelles perspectives sur les mécanismes pathogènes primaires ou secondaires. Cela pourrait permettre d’obtenir de nouveaux outils de diagnostic différentiel plus sensibles, mais aussi d’améliorer les soins médicaux ou les méthodes de réadaptation fonctionnelle. Nous devons dépasser une pluridisciplinarité limitée aux différentes approches parallèles et utiliser les outils des systèmes complexes pour associer les données de différents domaines et acquérir une meilleure connaissance.

Cette question concerne l’ensemble de la médecine interne et générale, l’immunologie, les neurosciences, la psychiatrie, la gériatrie, la pédiatrie, la rééducation fonctionnelle, la santé publique et la science des systèmes complexes. Des exemples de problèmes fonctionnels, dont certains n’ont aucune origine organique mesurable, comprennent le vertige – vertiges et troubles de l’équilibre, peur de tomber chez les personnes âgées, perte d’audition isolée, acouphènes, difficultés d’apprentissage – la dyslexie, mais également les maladies neuro-dégénératives, les différentes démences, la démence à corps de Lewy et la maladie d’Alzheimer. Quelles sont les causes du passage du bruit acoustique physiologique au signal perçu indésirable dans le cas des acouphènes en l’absence de résultats neuro-ontologiques ?

Les principales questions comprennent l’importance des fluctuations instantanées des mesures (physiologiques, comportementales, dans le cas de la démence, par exemple) par rapport à la physiopathologie et à la dégénérescence progressive des circuits corticaux et sous-corticaux. Nous pourrions citer d’autres exemples en immunologie : l’analyse des fonctions du système immunitaire dans les maladies physiologiques (de l’ontogénie au vieillissement, la gestation) et pathologiques (cancer, maladies auto-immunes, infections), et des interactions avec d’autres systèmes biologiques comme le système nerveux, endocrinien ou métabolique. Cela est fondé sur l’analyse dynamique des populations de cellules du fluide lymphatique, la quantification et l’identification du phénotype et des fonctions, des répertoires, de la génomique et de la protéomique.

 

 

Emergence, morphogenèse et comportement collectifs

Coordination mise en forme : Laurence

Edition 2017

processus de croissance des réseaux, percolation, renormalisation, émergence/immergence

Émergence en physique : comportements collectifs et fluctuations hors équilibre

Contributeurs : Hugues Chaté, Olivier Dauchot et Daniel Bonamy.

A l’équilibre thermodynamique et à son voisinage, l’uniformité spatiale et la stationnarité temporelle sont la règle. Les fluctuations autour de ces états sont bien contrôlées et en un certain sens triviales. Les propriétés de transport sont gouvernées par un principe de réponse linéaire. A l’inverse, dès que l’on s’intéresse à des situations hors équilibre, (en présence de contraintes extérieures, ou au cours de relaxation extrêmement lentes – dynamique vitreuse), on constate à toutes les échelles l’émergence de comportements collectifs qui donnent naissance à des formes et des dynamiques complexes, fractales ou multi-fractales ainsi qu’à des propriétés de transport anormales. Les fluctuations autour de ces comportements globaux sont le plus souvent singulières; elles présentent des évènements extrêmes significatifs qui peuvent dominer les effets moyens et sont très sensibles aux effets de taille finie. Comprendre les mécanismes sous-jacents et identifier les comportements universels propres à ces situations hors équilibre est un des enjeux majeurs de la physique du 21ième siècle.

Mots clés : Morpho-dynamique, Mouvements collectifs, Fluctuations hors équilibre, Dynamique lente, Statistique des extrêmes.

Résultats attendus : Identifications de mécanismes élémentaires et de comportements universels hors équilibre, synthèse, auto-assemblage et analyse de matériaux complexes, modélisation des systèmes désordonnés, applications au-delà de la physique

 

Grands Défis


Auto-organisation, transport et dynamique spatiotemporelle de la matière complexe

La physique non linéaire s’est intéressée aux motifs (patterns) issus d’instabilités prenant place dans des milieux simples (par exemple des fluides purs). Les concepts de criticalité auto-organisée et de croissance d’interfaces rugueuses ont ouvert des voies pour la compréhension des nombreuses lois d’échelles et structures fractales observées dans la nature. L’étude des comportements collectifs et de synchronisation des systèmes chaotiques modèles a engendré des perspectives nouvelles sur les dynamiques spatio-temporelles multi-échelles.

Aujourd’hui il s’agit de comprendre ce type de phénomènes émergents dans le cadre d’assemblées de constituants élémentaires plus complexes en interaction (entités auto-propulsées, nano-particules, biomolécules…). Ainsi se posent les questions de l’émergence du mouvement collectif (à toutes les échelles depuis la coopération de moteurs moléculaires, jusqu’aux groupes de grands animaux), de l’auto-organisation des bio-films et tissus cellulaires, de l’émergence des formes et de leur dynamique.

Avec en tête ces problèmes ayant toute leur acuité en biologie, en écologie, voire en sociologie, les physiciens privilégient les expériences modèles et bien contrôlées, exécutées sur des systèmes maintenus hors d’équilibre: fluides complexes (mousses, pâtes, milieux granulaires…) soumis à des flux d’énergie (cisaillement, vibrations…). La simplicité (relative) des systèmes étudiés permet en retour une compréhension plus fine, allant à l’essentiel, et, souvent, l’observation complète de la dynamique spatio-temporelle, pré-requis incontournable pour une véritable confrontation aux idées théoriques et aux modèles (numériques) qui en découlent.


Fluctuations hors équilibre

Le 20ème siècle a vu le développement d’outils et formalismes performants permettant de décrire de manière cohérente les systèmes au voisinage de l’équilibre thermodynamique. Ces systèmes présentent des comportements « moyens » bien définis et il est possible de relier ces fluctuations à la réponse du système à une petite perturbation extérieure (théorème dit de fluctuation-dissipation).

Hors équilibre, les fluctuations –spatiales et temporelles – peuvent alors devenir extrêmement importantes et il n’est plus du tout évident de définir le comportement « typique » du système comme une moyenne sur ces fluctuations. Comment par exemple définir la résistance à la rupture d’un matériau lorsque celle-ci est entièrement dictée par le défaut le plus important ? Comment faire une prévision météorologique lorsque celle-ci est sensible à une petite perturbation locale? Comment établir une stratégie de gestion de risque sur les marchés hautement volatiles? Un des enjeux de la physique du 21ème siècle sera de développer les formalismes permettant de caractériser la statistique des fluctuations observées dans ces systèmes hors équilibre. Il s’agira en particulier d’être en mesure (i) de définir clairement la notion de comportements « typiques », (ii) de reproduire les mises à l’échelle de ces comportements dits typiques et (iii) d’étendre la notion de théorèmes fluctuation-dissipation dans ces systèmes hors équilibre.


Matériaux métastables, relaxations lentes et dynamique vitreuse

Les systèmes désordonnés et en particulier les matériaux hétérogènes (verres, colloïdes, émulsions, milieux granulaires, alliages de polymères…) ont une très grande difficulté à rejoindre l’équilibre. Soumis à des contraintes internes d’ordre structurelles ou cinétiques, éventuellement frustrés dans la satisfaction de ces contraintes, la richesse de leurs configurations possibles rend tout retour à l’équilibre inaccessible sur des échelles de temps raisonnables en regard de leur environnement.

Dans ces situations intrinsèquement instationnaires, la dynamique est dominée par des effets de vieillissement ou de mémoire et la réponse à une sollicitation extérieure dépend de l’histoire du matériau.

La compréhension de l’interdépendance entre structure et dynamique qui prend place à toutes les échelles est un défi majeur pour les physiciens, et la condition sine qua non pour la maitrise de nombreux procédés industriels existants et le développement de matériaux intrinsèquement complexes (verres adaptatifs, bétons auto-réparants, nanomatériaux intelligents…). Au delà de la physique, de nombreux problèmes fondamentaux en informatique théorique (problèmes de satisfiabilité) et en biologie (repliement de protéines et de macromolécules) relèvent de cette thématique.

 

 

Construction and evolution of immunity

Edition 2017

Complexity of the immune system

Contributed by Véronique Thomas-Vaslin

As a complex biological system, the immune system is an adaptive, highly diversified, robust and resilient system with emergent properties, such as anamnestic responses and regulation. The immune system is characterized by complexity at different levels: network organization through fluid cell populations with inter- and intra-cell signaling, lymphocyte receptor diversity, cell clonotype selection and competition at cell level, migration and interaction inside the immunological tissues and fluid dissemination through the organism, homeostatic regulation while rapid adaptation to a changing environment.

The immune system develops during the fetal life and organizes in relation with the mother immunity and microbiote that thus transmits its historicity. The genetic diversity of the antigenic receptors and the correct differentiation and renewal of lymphocytes insures during all the life a potential to react to any antigens that is kept through quiescent lymphocytes that remain in “standby”. Then, quiescent lymphocytes that perceive antigens are activated and involved collectively during immune responses, through various functions and communications.   This allows the cognition of the worldwide molecular diversity, including the eukaryote and prokaryote cells that compose our human “holobionte” organism. Innovative primary and memory adaptive immune responses arise in responses to the constant fluxes of molecular perturbations and alterations occurring throughout all our life. This immune protection insures that at the macroscopic level, organisms remain in healthy state, with resilience to immune perturbations and infections, efficiency for reproduction of species, including the protection of the fetus from immune system mother. Delicate networks and oscillations through regulations occur daily in the immune system and lymphoid organs. They continuously reproduce new diversified lymphocytes, provide a selection that kill more than 90% of the cells produced, to distribute and control functions of selected lymphocytes through the body and establish collaborative cell functions of immuno-surveillance.
Understanding the organization and regulation of this complex immune system  (but also disorganization, instability and aging) refers to transversal questions already mentioned for other complex systems such as other biological, social or ecological macro systems, with some peculiarities specific to the immune system as summarized below.

Transversal questions commons to other complex systems (specific to immune system):

-Study and modelling of adaptive multiscale system (the adaptive immune system)
-Integration of high-throughput multiscale and multiparametric data and metadata and sharing (data from transcriptome, proteome, but also cytome, repertome…)
-Computer or mathematical tools for exploration and formalisation (supervised and non supervised statistical modeling, mechanistic reconstruction of immune system behaviour)
-Theoretical reconstruction (data mining, multiscale analysis, representation of heterogeneous data, organisation of knowledge’s database describing the immune system around the lymphocyte level, from molecule to organism, data-driven and hypothesis-driven reconstruction
-Metamodels, multiformalism for reconstruction and visualization of dynamics, differentiation, and behaviour (mathematical & computer modelling for lymphocyte cell population dynamics, activation, regulation and selection processes; use of oriented object, graphical language based on state and transition diagrams, SMA, ontologies, for modelling the immune system…)
-Fluctuations, stability, variability, regulations at multiscale levels (Multilevel/Multiscale: organism, lymphoid tissues, lymphocyte populations, cellular and molecular lymphoid repertoires)
-Robustness/resilience (describe, predict and control immune system development & aging; resilience to perturbations, transition to immunopathologies (infection, autoimmunity, cancer…); immunotherapy/vaccination.
-Model the relationships between biodiversity, functioning and dynamics of the (eco)systems (diversity, stability / perturbation of immune repertoires and lymphocyte populations)
-Self organization, simulation of virtual landscapes (auto-organisation of cells in lymphoid organs and development, cell network and immune repertoire)
-Data mining: extraction, visualization of data and semantic and syntactic analysis of scientific literature requires artificial intelligence and automatic learning approaches (information extraction and visualization of immune literature with concepts specific to immune system according to  a given context)

Transversal questions commons to other complex systems Questions specific to the immune system
Study and modeling of adaptive multi-scale system The adaptive immune system
Integration of high-throughput multi-scale and multi-parametric data and metadata and sharing Biological generic data from transcriptome, proteome, but also cytome, repertome…
Computer or mathematical tools for exploration and formalization Supervised and non supervised statistical modeling, mechanistic reconstruction of immune system and lymphocyte behaviour
Theoretical reconstruction Multi-scale analysis, representation of heterogeneous data, organisation of knowledge’s database describing the immune system around the lymphocyte level, from molecule to organism, for data-driven and hypothesis-driven reconstruction
Metamodels, multi-formalism for reconstruction and visualization of dynamics, differentiation, and behaviour Mathematical & computer modelling for lymphocyte cell population dynamics, activation, regulation and selection processes; use of oriented object, graphical languages, SMA, ontologies, for modeling the multi-scale entities of the immune system…
Fluctuations, stability, variability, regulations at multi-scale levels Multi-level/Multi-scale: organism, lymphoid tissues, lymphocyte populations, cellular and molecular lymphoid repertoires
Robustness/resilience and relation to organization Behavior of immune system from development to aging; resilience to perturbations, transition to immunopathologies (infection, autoimmunity, cancer…); immunotherapy/vaccination
Model the relationships between biodiversity, functioning and dynamics of the (eco)systems Diversity, stability/perturbation of immune repertoires and lymphocyte populations
Self organization, simulation of virtual landscapes Auto-organization of cells in lymphoid organs and development, cell network and immune repertoire
Data mining, extraction, visualization of data and semantic and syntactic analysis of scientific literature requires artificial intelligence and automatic learning approaches Information extraction and visualization of immune literature with concepts specific to immune system,  according to  a given biological context

Table 1: Crossing transversal questions identified for the investigation of the complex systems with the questions specific to the immune system.

Challenges related to the complexity of the immune system

More than transversal question common to other complex systems, the immune system present some peculiarities that require particular investigations and modeling and represent new challenges to overcome.
1. Objective identification of immune system cell populations

2. Lymphocyte population dynamics & repertoire selection: Integration of multilevel/ multiscale data and dynamic modeling

3. Understanding resilience or instabilities to perturbations, immune dysfunction in order to improve immuno-intervention strategies

4. Extract, visualize and organise immunological knowledge from scientific immune literature

5. Contribute to global evaluation of complex systems and risk issue

6. Revisite the “immune system”: limits, definition, characteristics, functions and stability

7. Bio-inspired and artificial immune systems

8. Immune system and communication

9. From micro-ecosystems to social ecological developments, clinical and research impacts

1. Objective identification of immune system cell populations

Innate and adaptive immune system subpopulations are currently defined based on the revelation of a combination of cell surface or intracellular/nuclear molecules that the researcher has to define. Thus, the cell populations revealed by cell staining are largely dependent on the mixture and the number of chosen parameters (n) that will drive the number of subpopulations (2n). Techniques like Flow cytometry analysis allow quantification of several parameters from individual cells allowing characterizing cell size, structure, specific phenotype and function of millions of cells in a multi-dimensional way. However, analyses performed by manual gating inspect parameters 2 by 2 and do not reveal the complexity of the lymphocyte subpopulations that co-express several parameters.
The challenge is developing methods and software tools for current immunological analysis and automatic identification of cell subsets and their trajectory during their differentiation and their cell cyle. This allows objective investigation and identification of cell subpopulations that have certainly been ignored by immunologists, to identify variability/stability, resilience or perturbations among development/aging, through genetic backgrounds, and during the course of perturbations as immunopathologies or immunotherapies.

2. Lymphocyte population dynamics & repertoire selection: Integration of multilevel/ multiscale data and reconstruction of dynamic interactions

The most important feature of the immune system is the availability of a diverse cell repertoire and its selection constraints. Lymphocytes are produced from precursors in primary lymphoid organs that differentiate and somatically rearrange DNA variable genes composing a particular repertoire. T or B cell repertoires are thus collections of lymphocytes, each characterized by its antigen-specific receptor produced by random somatic rearrangements of V(D)J gene segments during lymphocyte differentiation, producing a potential repertoire of a quadrillion of TCR/Ig receptors about one thousand beyond the lymphocyte count in a single individual. Then, process of lymphocyte selection with high cell death or amplification of particular antigen specific clones represent a network of dynamical interactions conferring tolerance to avoid autoimmunity though retaining the potential to respond to a very large collection of antigens. Thus the dynamics of cell fluxes and turnover, cell selection process through division and cell death constraint the immune system to adapt a dynamic equilibrium according to programmed genetic variability’s and permanent antigen challenge. The rules governing the clonal selection processes and cell population dynamics stability or disturbance in immune pathologies and aging are far to be fully understood. Integration of high-throughput data describing qualitatively and quantitatively cell populations, repertoire diversity and gene expression should allow data mining, signature discovery and reconstruction of dynamics behaviours.

The challenge is the integration of multiscale data and metadata describing cell populations, cellular and molecular repertoires and gene expression across time, lymphoid organs and genetic background or various conditions describing physiological or pathological states or treatments. Organisation of knowledge’s using standardised database with ontologies and state transition diagram and influences should improve the organisation of data for data mining and dynamic computational modelling. Object-oriented computer modelling taking into account the levels of the “organism”, the “organs”, the “cell” and the “molecule” through various time scales, should improve the interoperability of mathematical and computer models already developed in the field, allowing also the direct intervention of the biologist to implement the models and suggest new experiments or treatments.

3. Understanding resilience or instabilities to perturbations, immune dysfunction in order to improve immuno-intervention strategies

Aging, immunopathologies as infectious, autoimmune or inflammatory diseases, cancer as well as immunotherapies, vaccination represent either internal instability or external aggressions that impact the stability and reactivity of the immune system at various biological levels (from molecules to organism). Genetic or environmental component alterations (antigens, infections, chemicals, nutriments…) or other biological instabilities (as in nervous, hormonal, metabolic systems…) and  disorganisation related to  aging can affect the organisation of immune system its dynamics and repertoires and turn the physiologic equilibrium to immuno-pathologies. The identification and quantification of variability and perturbations at these different levels and through time should allow understanding the resilience or instability of the system. Conversely, improving knowledge on the physiological or pathological dynamic behaviour of the immune system should also reveal keys for immuno-interventions.
The challenge is to connect and better integrate knowledge’s as a result of data mining and dynamic computer modelling and simulations of such perturbations. The resilience and homeostatic regulation of the system (steady state dynamic equilibrium) but also variability/fluctuation (according to genetic background, physiological development and aging) to pathological perturbations of the immune system should thus be investigated by multidisciplinary approaches. This requires the development of original biological, mathematical and computer modelling tools. This might allow to assess the quantity /quality of small perturbations at various scale levels that can impact /dys-balance the whole immune system equilibrium or on the contrary to estimate the maximal variability the system can endure without global perturbations at the organism level.

4. Extract, visualize and organise immunological knowledge from scientific immune literature__

The complexity of the immune system, related to biological multi-scale levels, but also of the data generated by multiple technologies, published in the form of unstructured text requires the development of innovative techniques of data and literature mining to enhance information retrieval, visualization of enormous quantities of data and organisation of knowledge.

The challenge is to develop data mining, text mining and machine learning methods to have a better understanding of the complexity of the immuno-physiome. Innovative data mining, semantic and syntactic analytical approaches should help define the concepts that have to be extracted and algorithms to automatically extracts the data with a maximum of accuracy.

5. Contribute to global evaluation of complex systems and risk issue

A global evaluation of the behaviour of complex systems should be undertaken under philosophical and scientific aspects. The behaviour of complex systems is related to their multi-scale organisation. While the immune system is related to micro-levels from molecule to organism, the biosphere is related to macro-levels from organisms to global environment, though social interactions, migration, ecosystems, climate and biosphere. The immune system represents a model of choice to evaluate the common properties of organisation and behaviour of such other complex systems at higher scale levels. Indeed data, simulations and predictions are difficult to establish for some systems. Organisation of systems results from the selection among diversities of only a small fraction of all potential possibilities, with an infinite combination of parameters. This contributes to selected dynamic equilibrium allowing the systems to resist perturbations trough time unless the resilience is disrupted.
The challenge is to provide a global analysis of common properties of complex multi-scale systems to understand the robustness and degree of resilience of systems selected on the basis of their organisation and risk of changes in the dynamic equilibrium. The notion of emergence and immergence have to be analysed to understand whether aging and evolution of a system and threshold effects are involved in the resilience of systems or could induce their disorganisation.

6. Revisiting the “immune system”: limits, definition, characteristics, functions and stability

Complex systems are often viewed as multi-scale, self-assembly, adaptive dynamic and cognitive networks of diverse interacting agents capable of sensing patterns with degenerative properties. In biology, links between entities and processes are insured at various scales. At the macroscopic level, the nervous system insures the cognition, perception and memory of “self”, through mental links and relations to macroscopic external environment, allowing to define ego as well as physical/somatic identity based on consciousness, memory and social interactions. Similarly, at the microscopic level, the immune system as a cognitive, diverse, dynamic, fluid and anamnestic system, sense the quality and quantity of microscopic patterns, either from body or environment. The immune system is thus at the interface of the dynamic symbiotic organisation of the individual (composed in adults as many prokaryotic than eukaryotic cells) and constantly senses its molecular and celllular environment, and its own components (idiotopes). This leads to individual cell signalling up to collective decision-making allowing for discrimination and memory of microscopic entities in a systemic way.

Biological and philosophical conceptual questions remain about the notion of organisation, organism, immune system, the perception of self, identity, memory, tolerance and resilience.

• Are there limits between the immune system, the organism and the environment?
• Has the immune system a role to define the identity of an organism?
• What are the major characteristics of an organisation and an organism?
• How do cognition, diversity, selection, memory and dominant tolerance contribute to the dynamic stability of the system and the resilience of the organism?
• How can we define the immune system? Is the term “immune”, with its etymologic origin meaning “exempt”, adequate according to current knowledge?

Responding to these challenges will improve global data exploration and understanding of the complexity of the immune system (Immuno-physiome) linked to other biological systems or to macro ecological/biosphere systems.

7. Bio-inspired and artificial immune systems

Knowledge’s assembled to understand, reconstruct, simulate and predict the complex multi-scale behaviour and resilience of the immune system dynamics in health, aging, diseases or treatments could be useful for the design of innovative artificial immune systems reproducing or inspired from the behaviour of the natural immune system. Thus, understanding this natural organisation, selected during the evolution of species and cells in organism, can help to design innovative evolutive artificial immune systems, and referring to the “war” metaphor to design the best “immuno-logistic” optimization. This could help understanding the characteristics of an organisation as a process and as a result, from organisms to societies and for the design of regulatory processes and security purposes.

The challenge is to overcome the conceptual and technical limitations to design self-organized artificial immune systems resilient to perturbations and able to preserve the identity and integrity of the organism or societies.

8. Immune system and communication

The immune system is inside the holobionte and poly-genomic organism, at the interface between eukaryote and prokaryote cells. This cognitive system makes the interface between the molecular world and cells, on the basis of dynamic communication. Deciphering the concept of cellular and molecular communication and signal transmission could be done at various levels: at horizontal level inside innate and adaptive, between cells, between organisms, and at vertical level from molecule to organism and up to social system.

The challenge is to model the rules that govern communication, the interactions, transmission and percolation up to emergence of patterns. Modeling the physiological communication and transmission of information could help understanding alterations resulting in pathologies and aging and to design therapeutic interventions to improve defective communication.

9. From micro-ecosystems to social ecological developments, clinical and research impacts

Cognitive systems like the immune system and the nervous system are involved in the perception, adaptation and memory of our microscopic to macroscopic social ecological environments that are constantly perturbed, and in the orientation of our individual and collective behavior. Indeed defective immune responses or altered regulations of the immune system have great impact on our health, and consequently on our decisions and social behavior.

Immuno-pathologies can potentially affect each individual, but also increase their frequency in the society as epidemic spreading and alter the health, the reproduction, activity and the longevity of individuals, with societal impact. On one side, in case of immuno-deficiencies, or inefficient responses of the immune system to rapidly control replicative microbes or tumors cells infections and tumors can progress. The role of vaccination is thus primordial to accelerate and amplify the immune response to control the infection and prevent transmission to other individuals. On the other side, in case of defective control and feedback regulations of the immune system, the uncontrolled reactivity against body components, like in autoimmune and inflammatory diseases, or the defective orientation of immune responses or cell population dynamics could also occur and lead to allergies, metabolic diseases, fetal abortions, tumor growth.

Aging of the immune system and of the human population can moreover alter both sides with delayed or defectives process: the internal cell metabolism, reproduction and repair inside adaptive lymphocytes and innate cells; the inter-cell communication/activation/functions/distribution and altered feedback loops through various biological levels.

Perturbations in our environment, lifestyle and human industrialization since the last century, has allowed for the rapid change of the immune context, as detected by lymphocytes. The occurrence of some 133 millions new chemicals with more than 10, 000 new substances created each day should be considered. The deviation of immune regulations and functions related to excessive hygiene and deprivation of the co-evolutive microbiote (like in caesarean) or wide usage of antibiotics could alter the cross-talk between the immune system, the microbiote and the antigenic world and lead to emergence of new pathologies like allergies and metabolic disorders.

Human interventions by prevention, biotherapies, chemotherapies, chronobiology can try to manipulate and control immune responses. One way is to improve and accelerate a specific immune response by vaccination, in order to gain the race against selected replicative pathogenic microbes or tumors. Another way is to induce specific tolerance against some body components, while preserving other potential beneficial responses with specific immuno-regulation. This is indeed an alternative to global immunosuppression that non-specifically decreases the immuno-competence and increases the risk of occurrence of infections or tumors.

The challenge is to integrate interactions from the micro-ecosystem that includes the immune system and the microbiote of each individual, up to the social-ecological development of humans that include personal and societal health, nutrition, chronobiology, stress, industrial and technological developments that impact back on immune system by immergence. Information should be given to the society at any level, from child to elderly and also researchers in multi-disciplinary domains, like mathematicians and computer scientists involved in modeling of immune system and ecosystems. Indeed people should have information’s about the complex cognitive immune system behavior that keep the trace of the molecular and cell history of our body, those cells react at any instant to molecular perturbations in its environment to preserve by emergence the individual but also eco-socio system viability. The consciousness that in each individual our immune system is facing our world according to its context that depends on hygiene, food, micro-flora, chemicals, antibiotics, therapies, aging and stress could change the way understanding the traces that the immune system lives in the body up to social systems. Moreover, immuno-clinical investigations and immunotherapies are developing and open new avenues for prevention. Risk perception and its evaluation at global levels of organization, for the resilience of our living systems is also of importance.

Conclusions

Identifying theoretical and methodological questions related to the complexity of the natural and artificial immune systems will help to structure new ideas and collaborative work across complex systems. Responding to these challenges will improve the global data exploration, the emergence of new concepts and understanding of the immune system linked to other biological systems or to macro ecological/biosphere systems. The ImmunoComplexiT network  from the RNSC  http://immunocomplexit.net/is currently  questionning and modeling the complexity  of the immune system.

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Intelligence ubiquitaire

Intelligence ubiquitaire

Edition 2017

Contributeurs : Marc Schoenauer (INRIA)

Mots clés : réseaux pair à pair (P2P), réseaux ad hoc, observations des phénomènes spatio-temporels multi-échelles (réseaux trophiques, agriculture, météorologie, etc.), algorithmes épidémiques, modèles computationnels et théorie de l’information, calcul spatial, systèmes d’auto-conscience, sens commun, confidentialité.

Introduction
La technologie actuelle permet et demande une rupture dans les modes d’acquisition et de traitement des informations, passant de l’approche monolithique à la mise en réseau d’un grand nombre d’unités de calcul éventuellement hétérogènes. Cette nouvelle approche, reposant sur la distribution du traitement et du stockage, doit permettre d’ajouter de l’intelligence aux artefacts qui constituent désormais notre environnement et de repousser les limites de l’informatique classique (essoufflement de la loi de Moore).

Cet objectif à long terme demande :

  • de résoudre les problèmes d’organisation physique et de communications (routage et contrôle distribué),
  • de mettre au point des mécanismes d’auto-régulation et de contrôle,
  • de concevoir de nouveaux modèles de calcul,
  • de spécifier des environnements de programmation adaptative (apprentissage, rétroaction et sens commun).

Les limites technologiques du modèle de calcul séquentiel de von Neumann semblent aujourd’hui atteintes et exigent de nouveaux paradigmes pour répondre à la demande de puissance computationnelle émanant de nos sociétés modernes. Au cœur de ces nouveaux paradigmes figure la distribution des tâches entre les architectures décentralisées (par exemple, les processeurs multi-cœurs, les grilles de calcul). Traiter la complexité de tels systèmes est incontournable pour répondre aux objectifs de passage à l’échelle et de robustesse dans un cadre décentralisé. Par ailleurs, il est maintenant technologiquement possible de disséminer des capteurs et des moyens de calcul partout où ils sont nécessaires. Cependant, leur exploitation nécessite leur mise en réseau ; pour des raisons physiques, chaque élément ne peut se connecter qu’à ses proches voisins (réseau ad hoc). Dans d’autres contextes, les réseaux pair a pair reposent également sur une visibilité restreinte de l’ensemble des éléments. Dans les deux cas (réseaux ad hoc et P2P), l’enjeu est de pouvoir exploiter au mieux les informations disponibles sur l’ensemble du réseau. Les défis proposés ici concernent l’ensemble de ces nouveaux systèmes computationnels ; on retrouvera certains enjeux des réseaux sociaux ou écosystémiques également traités dans cette feuille de route.

Grands défis

 


2.9.1. Conception locale pour les propriétés générales (routage, contrôle et confidentialité)

Routage, contrôle et confidentialité
Pour mieux concevoir et gérer les grands réseaux, nous devons comprendre comment émergent les comportements généraux alors même que chaque élément prend des décisions au niveau local avec une vision très restreinte du système dans sa totalité. Un modèle de base est celui des algorithmes épidémiques, dans lesquels chaque élément échange des informations avec des éléments voisins. Un enjeu de conception repose sur la nature des informations échangées (prenant notamment en compte les contraintes de confidentialité) et sur la sélection des voisins correspondants qui conditionnent le comportement général du système.

Méthodes : théorie de l’information, systèmes dynamiques, physique statistique, algorithmes épidémiques, algorithmes inspirés par le vivant.


2.9.2. Calcul autonome

Robustesse, redondance, résistance aux défaillances
L’autonomie des systèmes computationnels est une condition nécessaire pour leur déploiement à grande échelle. Les propriétés d’autonomie requises se rapprochent des propriétés du vivant : robustesse, fiabilité, résilience, homéostasie. Une difficulté est due à la taille et l’hétérogénéité de tels systèmes, qui rendent sa modélisation analytique particulièrement complexe ; de surcroît, les réactions du système dépendent du comportement dynamique et adaptatif de la communauté des utilisateurs.

Méthodes : systèmes inspirés par le vivant, systèmes d’auto-conscience.


2.9.3. Nouveaux modèles computationnels

Résolution et stockage distribué, fusion d’informations spatiales, temporelles ou multimodales, émergence d’abstractions
La mise en réseau d’un grand nombre d’unités informatiques, très souvent hétérogènes (grilles, P2P, processeurs n-cœurs) requiert une capacité de traitement gigantesque. Or, pour utiliser efficacement de telles capacités, nous avons besoin de nouveaux modèles de calcul qui prennent en compte non seulement la distribution des traitements sur des unités de faible puissance, mais aussi le manque de fiabilité de ces unités et des voies de communication. De même, la distribution des données (réseaux de capteurs, RFID, P2P) lance des défis spécifiques en termes d’intégration, de fusion, de reconstitution spatio-temporelle et de validation.

Méthodes : Algorithmes neuro-mimétiques, propagation des croyances.


2.9.4. Nouveaux paradigmes de programmation : création et ancrage des symboles

Apprentissage automatique, rétroaction et sens commun
La programmation de systèmes dédiés à l’intelligence ambiante (domotique, bien vieillir, remise en forme) doit permettre l’intervention de l’utilisateur. La spécification du comportement attendu demande un lien transparent entre les données de bas niveau disponibles et les concepts naturels de l’utilisateur (par exemple, ancrage des symboles). Par ailleurs, le programme de recherche doit être nourri par l’étude des usages ; la coévolution entre l’utilisateur et le système informatique conduit à l’apparition de systèmes hybrides complexes.

Méthodes : interface cerveau-machine, programmation par démonstration, apprentissage statistique.