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Conception de systèmes complexes artificiels (2008)

Conception de systèmes complexes artificiels

Rapporteur : René Doursat (Institut des systèmes complexes/CREA, École polytechnique).

Contributeurs : Jean-Christophe Aude (CEA), Sofiane Ben Amor (Eurocontrol), Marc Bui (EPHE), René Doursat (Institut des systèmes complexes/CREA, École polytechnique), Jean-François Mangin (CEA), Jean Sallantin (CNRS LIRMM).

Mots clés : assistants artificiels, simulations virtuelles, modélisation fonctionnelle et régulation, bio-inspiration, systèmes autonomes et évolutifs.
Introduction
La modélisation et la simulation interviennent dans l’étude des systèmes complexes en complément de leur expérimentation. Le développement récent et rapide de la recherche sur les systèmes complexes dans de nombreux domaines scientifiques, et les interactions pluridisciplinaires qu’il a engendrées, sont dus pour l’essentiel aux grandes avancées en informatique, en particulier à l’essor du calcul à haute performance et aux réseaux. Les technologies de l’information et de la communication sont aujourd’hui l’outil d’investigation privilégié des systèmes complexes, suppléant souvent les approches analytiques et phénoménologiques dans l’étude des comportements émergents. En retour, elles en sont également l’un de leurs principaux bénéficiaires. Des systèmes complexes artificiels doivent être créés pour analyser, modéliser et réguler des systèmes complexes naturels préexistants. Inversement, l’émergence et la conception de technologies nouvelles doivent trouver une source d’inspiration grandissante dans les systèmes complexes naturels, qu’ils soient physiques, biologiques ou sociaux.

Grands défis
1. Utiliser les systèmes complexes artificiels pour comprendre et réguler les systèmes complexes naturels
2. S’inspirer des systèmes complexes naturels pour concevoir des systèmes complexes artificiels
3. Concevoir des systèmes complexes hybrides


1.6.1. Utiliser les systèmes complexes artificiels pour comprendre et réguler les systèmes complexes naturels
Les systèmes complexes naturels (SCN) recouvrent les systèmes existant à l’état naturel (motifs naturels, organismes biologiques, écosphère, etc.) mais également des systèmes résultant des activités humaines (villes, économies, réseaux de transport, etc.). L’une des principales applications des systèmes complexes artificiels (SCA) est de servir d’aide à la description, à la génération et au support des SCN. Le défi majeur de cette approche est de concevoir ainsi que de développer un modèle d’assistant permettant d’explorer systématiquement ou de réguler les SCN. La conception de systèmes complexes artificiels peut en particulier compléter l’intelligence collective humaine en intégrant différents niveaux d’expertise pour les harmoniser ou gérer leurs contradictions dans un travail collaboratif. De tels systèmes sont d’une nature différente des systèmes naturels observés, et reposent donc sur des structures et des principes de fonctionnement différents. Un SCA peut servir à réguler, planifier, réparer ou modifier un système complexe naturel. L’exécution du SCA peut s’effectuer de manière asynchrone, à l’écart du SCN, ou bien par intégration.

Exemples :

  • reconstruction de la topologie des connexions neuronales dans le cerveau par neuro-imagerie et techniques de vision artificielle fondée sur une architecture distribuée,
  • observation des groupes d’intérêt et des réseaux d’interaction sur Internet (forums, blogs, messageries instantanées) par des essaims d’agents logiciels,
  • réseaux et dynamiques du trafic aérien.

1.6.2. S’inspirer des systèmes complexes naturels pour concevoir des systèmes complexes artificiels
Afin d’inventer des systèmes technologiques autonomes, fiables et évolutifs, une nouvelle forme d’ingénierie devra de plus en plus s’inspirer des SCN. En sécurité informatique, par exemple, de nouveaux systèmes pourront imiter le fonctionnement du système immunitaire biologique pour fournir des solutions efficaces contre l’évolution permanente des attaques subies par les réseaux informatiques. Ces SCA sont élaborés à partir d’entités intrinsèquement distribuées, auto-organisées et évolutives. Ils reproduisent des comportements et principes d’organisation originaux préexistants dans les SCN qui, à ce jour, n’ont pas encore d’équivalent dans la conception technique classique. Dans certains domaines, les lois biologiques pourront remplacer les lois physiques dans la création de nouveaux principes en ingénierie informatique.

Les SCN fournissent ici aussi des sources d’inspiration prometteuses encore relativement peu exploitées comme modèles pour le développement de systèmes décentralisés robustes et modulaires disposant d’une autonomie de fonctionnement dans des environnements dynamiques (par exemple « informatique ubiquitaire», « intelligence ambiante »). Les SCA devraient être capables de reproduire les principes de concurrence, de coordination et de compétition observés dans les SCN.

D’autre part, la conception artificielle bio-inspirée de modèles n’est pas contrainte par une fidélité de principe au SCN source. L’innovation informatique et technologique peut librement se détacher des données expérimentales ou des exemples réels de mécanismes de fonctionnement. Par exemple, les neurosciences ont inspiré les réseaux neuronaux artificiels et l’évolution darwinienne a donné lieu aux algorithmes génétiques. De plus, les SCA ainsi créés peuvent jouer un rôle heuristique dans l’exploration des SCN. Les inventions technologiques permettent en retour de mieux comprendre, voire de prédire les phénomènes naturels qui les ont inspirés.

Exemples :

  • intelligence artificielle et robotique neuro-mimétique,
  • optimisation collective et intelligence en essaim inspirées par le comportement des insectes sociaux,
  • robotique évolutionniste,
  • matériaux intelligents, matériaux auto-assembleurs et ingénierie morphogénétique (nanotechnologies),
  • intelligence ambiante,
  • sécurité informatique inspirée par le système immunitaire ou les interactions sociales.

1.6.3. Concevoir des systèmes complexes hybrides
La diffusion rapide de dispositifs et de systèmes informatiques dans nos sociétés (téléphones portables, assistants électroniques de poche, etc.), et la complexité ainsi que l’abondance de leurs interconnexions constituent la plupart des systèmes complexes hybrides ou « techno-sociaux ». Ces systèmes peuvent être étudiés en les considérant comme communautés complexes composées d’une association d’agents naturels et artificiels. Les utilisateurs peuvent donner des instructions aux machines qui, par ailleurs, sont aussi capables d’apprendre et de s’adapter à leur environnement de façon autonome.