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Innovation, apprentissage et coévolution

Innovation, apprentissage et coévolution

Rapporteur : Denise Pumain (Université Paris 1).

Contributeurs : David Chavalarias (Institut des systèmes complexes de Paris Île-de-France/CNRS), Nadine Peyrieras (Institut de neurobiologie CNRS), Denise Pumain (université Paris 1).

Mots clés : innovation, émergence, bifurcation, coévolution, apprentissage, acceptation, société de l’information.

Introduction
Dans les systèmes complexes, l’innovation apparaît à travers divers processus comprenant l’émergence de nouvelles entités et de nouvelles catégories, la modification des processus d’interaction, le changement de leurs échelles spatiales ou temporelles, ou encore leur transformation dynamique. Dans la perspective de la science des systèmes complexes, la question essentielle est de savoir si les modalités de changement sont comparables lorsque l’on passe des systèmes naturels ou artificiels aux systèmes sociaux. Un premier défi consiste à identifier les conditions dynamiques favorables à l’innovation. L’innovation est-elle toujours associée à des sauts, des ruptures ou des bifurcations, ou résulte-t-elle de tendances plus régulières ? Quels processus expliquent l’observation fréquente des cycles d’innovation ? Un deuxième défi consiste à déterminer s’il existe une accélération de l’innovation dans la société humaine à travers le temps en identifiant les mesures pertinentes des changements sociétaux. Un troisième défi sera de comprendre comment l’intention et la réflexion servent de cadre à l’innovation dans les systèmes sociaux et comment l’effet de rétroaction de l’apprentissage influe sur la cognition individuelle et collective au cours de l’histoire.

Grands défis

  • Comprendre les conditions dynamiques de l’innovation
  • Modéliser les innovations et leurs rythmes
  • Comprendre la relation entre cognition et innovation

 


2.7.1. Comprendre les conditions dynamiques de l’innovation

L’innovation ne peut-elle être analysée que ex-post, ou peut-elle être prédite, et si oui, à partir de quels indicateurs et variables explicatives ? Les signes précurseurs d’un changement sont-ils évidents dans une partie spécifique de la dynamique du système, par l’amplification des fluctuations autour d’une trajectoire, l’intensification de processus préexistants, ou la transition de variations quantitatives à des variations qualitatives ? Comment l’innovation est-elle acceptée : en s’introduisant dans les structures existantes, en les remplaçant ou en induisant des modifications de ces structures ? Quelles relations sont établies entre les nouveaux artefacts et leurs fonctions, et les nouvelles pratiques fondées sur leur utilisation ? Comment pouvons-nous expliquer la manière dont les groupes d’innovations mènent à l’observation de grands cycles d’évolution sociale ?


2.7.2. Modéliser les innovations et leurs rythmes

Certains analystes suggèrent qu’il y a une accélération de la fréquence de production d’innovations, en particulier à travers les révolutions techniques et l’évolution vers une société de l’information. Est-ce une réalité ou une illusion ? Répondre à cette question exige une définition précise de l’innovation et de l’information, ainsi qu’une détermination stricte des intervalles de temps mesurant cette fréquence. Comment pouvons-nous fixer des périodes de référence pertinentes pour caractériser les rythmes d’émergence, de succession et de coprésence des innovations ? En d’autres termes, la mesure des heures normales est-elle significative ou devons-nous imaginer d’autres mesures de temps sociétal ?


2.7.3. Comprendre la relation entre cognition et innovation

Les sociétés élaborent et assimilent également des innovations relatives aux artefacts qu’elles produisent dans leurs propres pratiques et institutions. Est-il possible de comprendre la dynamique sociale de l’innovation sans introduire l’intentionnalité et la réflexivité individuelles et collectives ? L’innovation sociale est-elle en accord ou en conflit avec l’évolution biologique ? Le fait que l’innovation soit ciblée et que les processus d’apprentissage et d’acceptation soient transmis au travers de normes juridiques, économiques ou culturelles introduit-il des caractéristiques différentes en matière d’innovation dans les sociétés humaines ? Dans ces processus, est-il possible d’identifier à un niveau intermédiaire des milieux ou réseaux sociaux, voire des zones géographiques, plus propices à l’innovation que d’autres, ou dotés d’une capacité d’innovation spécifique ? Quelles sont les expressions des interactions entre innovation et cognition individuelle ? Le contrôle social sur l’innovation peut-il aller jusqu’à des transformations biologiques ?