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Individus, structures, sociétés

Rapporteur : Denise Pumain (université Paris 1).

Contributeurs : Frédéric Amblard (université de Toulouse), Cyrille Bertelle (LITIS UFR sciences technologies), Paul Bourgine (École polytechnique), David Chavalarias (Institut des systèmes complexes de Paris Île-de-France/CNRS), Valérie Dagrain (consultante technologie information), Guillaume Deffuant (Météo-France et université Paris-Est Cemagref), Silvia De Monte (ENS), Sara Franceschelli (Paris Jussieu), Francesco Ginelli (Institut des systèmes complexes de Paris Île-de-France), Pablo Jensen (ENS Lyon), Maud Loireau (IRD), Jean-Pierre Müller (CIRAD), Denise Pumain (université Paris 1).

Mots clés : institutions, hétérarchies, méthodologies multi-niveaux, attroupement, comportement collectif, théorie des jeux (évolutive), coopération, mesures quantitatives, évolution, réponse à la perturbation, organisation spatiale, insectes sociaux, transition vers la multicellularité, oscillations synchrones, différenciation sociale, économie cognitive, réseaux sociaux, apprentissage social.

Introduction
L’interaction des individus crée des organisations qui influencent alors l’interaction et les individus eux-mêmes. Le comportement des sociétés n’est pas la simple somme des comportements des éléments qui les composent, mais révèle souvent des propriétés émergentes. Pour les besoins de l’analyse, nous pouvons distinguer entre émergence faible et émergence forte. Si certaines questions, telles que l’émergence de comportement de groupement ou d’attroupement, peuvent être considérées communes à toute population biologique, sociétés humaines comprises, la culture et la réflexivité imposent de nouvelles difficultés pour le travail de description. En outre, les entités géographiques (régions, organisations spatiales, réseaux, paysages, etc.) influent sur les interactions entre les individus. Les méthodes des systèmes complexes fournissent un cadre théorique pour comprendre la coévolution des différents niveaux de description (territoires, sociétés et individus) et les processus évolutifs façonnant les communautés. Il permet d’analyser les raisons qui conduisent à des inégalités entre les différentes entités.

Cette question délicate est particulièrement pertinente pour la compréhension de la dynamique multi-niveaux des entités régionales : lieux, régions, organisations spatiales, réseaux, paysages, etc. Le plus souvent, des faits stylisés peuvent être obtenus à partir de la coévolution des territoires au niveau macro-géographique. Les modèles de systèmes complexes peuvent aider à reconstruire les comportements individuels qui, selon certaines règles sociales et contextes historiques, génèrent des inégalités entre les territoires. Les entités territoriales ne doivent pas seulement être comprises comme des subdivisions géographiques, mais également comme des systèmes qui possèdent des règles de gouvernance particulières et des représentations collectives associées, qui définissent les sentiments d’appartenance caractérisant les identités individuelles.

Résumé des défis : le principal sujet de recherche dans ce domaine est l’identification des propriétés universelles au niveau macro pouvant être expliquées par des comportements collectifs (décrits et quantifiés à partir d’enquêtes sociologiques). Pour comprendre le processus de différenciation sociale (ou géographique), nous avons besoin de deux types de modélisation des phénomènes d’émergence forte : d’une part, de la rétroaction des modèles collectifs sur les représentations et les coutumes individuelles, d’autre part, sur l’émergence des institutions aux niveaux collectifs en dehors des interactions entre individus et des règles collectives changeantes. Un autre défi majeur, lorsque l’on compare le développement des sciences sociales avec les sciences « dures », et pour permettre le transfert de modèles des études du domaine de la physique aux études sociologiques, est la collecte appropriée de données in vivo ou in vitro (statistiques adaptées, données d’économie expérimentale, etc.).

Grands défis

  • Émergence d’un comportement collectif dans les populations biologiques
  • Coévolution des individus et de la société
  • Coévolution des individus, des structures et des territoires
  • Hétérarchies, organisations multi-échelles

 


2.6.1. Émergence d’un comportement collectif dans les populations biologiques

Les sociétés animales sont généralement décrites à un niveau collectif en raison de l’évidence et de l’immédiateté des observations à l’échelle de la population. Les caractéristiques des agents individuels dessinent souvent dans une large mesure le comportement collectif. L’un des défis les plus intéressants de l’approche des systèmes complexes est de découvrir la relation entre les niveaux individuel et sociétal dans les populations biologiques.

Il s’agit, par exemple, d’une question essentielle lorsque l’on étudie le comportement d’« attroupement » dans les espèces animales telles que les oiseaux, les poissons, les groupes de mammifères ou les bactéries. Un autre phénomène fascinant est l’organisation spatiale qui émerge spontanément dans le comportement de nidification et les pistes de recherche de nourriture chez les insectes sociaux. Au niveau cellulaire, une synchronie collective peut émerger de l’interaction des cellules oscillant individuellement. De plus, la transition de l’organisation unicellulaire à l’organisation pluricellulaire est une question majeure de la théorie de l’évolution. L’étude des excitateurs (semblables aux neurones) interagissant au moyen de graphiques de connectivité non triviale a récemment montré un comportement intense lié à une synchronisation cohérente ou partielle.

Ces dernières années, les outils empruntés à la physique non linéaire ont apporté une aide considérable à travers la théorie et la modélisation pour caractériser ces phénomènes émergents. Des mécanismes fondamentaux conduisant à un comportement collectif ont été identifiés, certaines propriétés universelles, communes à divers systèmes biologiques, ont été documentées et de nouvelles prédictions ont été formulées au niveau théorique. Si une concordance qualitative avec les observations a généralement été obtenue, nous avons besoin de mesures quantitatives dans des populations biologiques pour faire progresser notre compréhension de ces phénomènes.

L’émergence de cohérence entre les cellules oscillantes, la transition de Kuramoto, par exemple, devrait se produire dans une large catégorie de populations cellulaires. À ce jour, elle n’a néanmoins été démontrée quantitativement que dans les systèmes physiques et chimiques. Une théorie établit que le comportement super-diffusif et les fluctuations de nombre anormales se produisent dans les attroupements, mais ces phénomènes n’ont pas été étudiés dans des observations empiriques. La transition vers la multicellularité, décrite par les modèles de la théorie des jeux, n’a jamais été observée au cours d’expériences d’évolution dirigée.

En outre, un nouvel ensemble de questions se pose concernant la stabilité de ces structures sociales émergentes, par rapport à un forçage extérieur ou à des perturbations. Par exemple, l’interaction entre les oiseaux dans un attroupement a-t-elle été améliorée par l’évolution dans le sens d’une résilience aux effets perturbateurs de l’attaque d’un prédateur ? Est-il possible de contrôler un groupe entier d’animaux en agissant sur certains de ses éléments ? Comment les fourmis réagissent-elles à de nouveaux obstacles introduits dans leur territoire de recherche de nourriture ? Quelle est la robustesse du comportement synchrone par rapport à la diversité des individus ?


2.6.2. Coévolution des individus et de la société

Le renouvellement de la recherche transdisciplinaire dans les sciences sociales traduit la nécessité d’intégrer de nombreux aspects du comportement humain pour comprendre pleinement la diversité des cultures et des institutions socio-économiques humaines. Ceci est particulièrement évident pour les économistes qui, après un long attachement au paradigme de l’homo economicus, abandonnent progressivement ce point de vue et cherchent un nouveau modèle. En effet, de nombreux phénomènes ne correspondent pas aux explications traditionnelles des équilibres socio-économiques, en particulier l’hétérogénéité des modèles socioculturels observés, le fait que nous sommes souvent confrontés à des phases de transition et des attracteurs locaux plutôt qu’à des équilibres stables, et l’accumulation de preuves de l’importance de l’influence sociale et des croyances des autres sur les processus de prise de décision, même dans les milieux économiques. D’autre part, les décideurs soulignent de plus en plus souvent le fait que les nouveaux défis sociétaux tels que le changement climatique ou la pauvreté persistante de certaines régions nous obligent à aborder la question du changement des mentalités (c’est-à-dire la distribution des priorités ou des types d’agents dans la population) plutôt que d’un simple changement des comportements. Dans l’économie dominante, et la plupart du temps dans les sciences sociales, tenir compte des priorités fixées au fil du temps conduit à de nouveaux défis théoriques pour l’économie et plus généralement pour les sciences sociales, comme l’a expliqué le lauréat du prix Nobel Vernon Smith (2005) :

« Techniquement, la question peut être posée dans les termes suivants : comment modéliser de la manière la plus productive des types d’agents en étendant la théorie des jeux de sorte que ces types soient partie intégrante de son contenu prédictif, et non simplement importés comme une explication ex-post-technique des résultats expérimentaux. »

Cette question à propos de l’origine des types, des priorités ou, plus largement, des représentations, croyances et valeurs des agents, est l’une des questions les plus délicates de la modélisation d’un système social. Comme tous les processus de prise de décision des agents en découlent, il est difficile d’imaginer les motifs des modèles et leurs conclusions sans aborder la question. Néanmoins, très peu de modèles abordent directement ce sujet. Par ailleurs, la plupart reposent sur un mécanisme de conformité sociale pour faire évoluer les types d’agents, alors qu’il n’est pas évident que la diversité des types d’agents dans une société ne puisse être expliquée que par ce mécanisme.

Pour aller au-delà de ce point de vue, nous devons imaginer des cadres formels représentant une différenciation sociale où le processus de différenciation n’est ni une optimisation d’une quantité donnée, ni le seul sous-produit de la conformité sociale.

Nous devons donc trouver une alternative entre individualisme méthodologique et holisme où les influences sociales et les motivations individuelles contribuent aux processus de différenciation des types d’agents. Une troisième voie pourrait être l’individualisme méthodologique complexe (Jean-Pierre Dupuy 2004).

Pour concrétiser ce programme, nous devons répondre à plusieurs questions méthodologiques :
1) Nous devons étudier les mécanismes conduisant à des changements de croyances, d’objectifs, de priorités et de valeurs, du point de vue de la psychologie, des sciences cognitives et de la philosophie. Cela nous permettra de développer des outils appropriés pour représenter formellement la dynamique de changement à l’échelle de l’individu. Nous devons tenir compte à la fois de l’action individuelle (capacité de choisir en fonction de sa propre personnalité) et de l’influence sociale sur l’évolution de la personnalité de l’individu. Nous devons garder à l’esprit le fait que les gens sont capables de décider de ne pas suivre certaines règles et d’en créer de nouvelles. Comment pouvons-nous aller des mécanismes d’interaction « simplistes » (optimum, imitation, etc.) vers des mécanismes plus créatifs ? Nous pourrions soutenir que les gens, dans de nombreuses circonstances, ne semblent pas suivre des règles algorithmiques. Au lieu de cela, leur expertise s’adapte intuitivement au contexte : comment prendre cela en compte dans les simulations ?

2) Nous devons mieux comprendre la manière dont les gens façonnent leurs réseaux sociaux, comment ils constituent de nouveaux liens, comment ils suppriment les anciens, comment ils perçoivent les groupes sociaux et dans quelle mesure leurs décisions sont socialement et spatialement intégrées. Il est en particulier important de réussir à représenter les groupes sociaux comme les résultats endogènes d’une dynamique sociale plutôt que comme des entités imposées par le modélisateur, comme ils sont souvent décrits dans la littérature.

3) Nous devons développer des méthodes pour articuler le comportement à l’échelle de l’individu ainsi que les comportements collectifs émergents à toutes les échelles spatio-temporelles. Nous devons en particulier aborder la question de savoir comment un comportement émergent peut avoir un impact a posteriori sur un comportement individuel (influences de bas en haut et de haut en bas) et quelle influence la topologie du réseau peut avoir sur la dynamique d’un réseau de soutien.

4) Nous devons mieux comprendre le rôle de l’histoire, des sentiers de dépendance et des perturbations. Dans le monde social réel, la structure est le produit non seulement des actions contemporaines, mais aussi de l’histoire. C’est là que nous agissons ; nos actions font l’histoire et la modifient. En d’autres termes, pour qu’une simulation soit une représentation appropriée de la sphère sociale, elle ne peut partir uniquement des agents. Il est important d’inclure l’histoire dans les simulations et de tenir compte des sentiers de dépendance. Cette dépendance découle souvent d’« erreurs » dans l’inférence et la transmission de l’information, des variations de l’environnement ou de l’hétérogénéité des réponses individuelles. L’étude des systèmes dynamiques révèle que ces perturbations sont un élément essentiel dans la détermination du comportement du système.

5) Peut-on exprimer clairement la manière dont la réalité sociale a un effet rétroactif sur les agents ? Au niveau intermédiaire des « habitudes de pensée », selon les termes de Hodgson, « L’effet des institutions est d’encadrer, de canaliser, de contraindre les individus, provoquant de nouvelles perceptions et dispositions. À partir de ces nouvelles habitudes de pensée et comportements, de nouvelles priorités et intentions émergent, changeant les institutions, ce qui influe à son tout sur la manière de voir. »

6) Quels sont les modèles sociaux ? Quand nous évaluons la pertinence d’un modèle, il est intéressant d’évaluer la représentation du « social » dans ce modèle. La pertinence de modèles ou systèmes sociaux « simples » (dans le style de modèle de ségrégation de Schelling) est une question ouverte qui mérite une recherche épistémologique approfondie. Questions possibles : dans quelle mesure la réflexivité des agents est-elle prise en compte ? Quels niveaux intermédiaires entre les individus et la société (tels que les institutions, les cultures) sont explicitement pris en compte ?


2.6.3. Coévolution des individus, des structures et des territoires

Les entités territoriales (villes, paysages, régions, etc.) coévoluent avec les individus et les structures sociales (point 2). Elles agissent comme un contexte qui contraint (permet et limite) les capacités individuelles, tandis que les individus et les structures sociales collectives, à travers leurs pratiques et leurs interactions, maintiennent ou transforment les structures territoriales. L’existence même des territoires, à travers les ressources auxquelles ils donnent accès, les symboles qui les représentent ou leur contrôle sur différents aspects de la vie, agit comme une contrainte (et une ressource) sur l’évolution des individus. Cette coévolution implique des processus qui s’insèrent dans différentes échelles temporelles. La relation entre les échelles d’espace et de temps n’est pas négligeable et requiert des recherches spécifiques.

L’un des problèmes est d’identifier l’échelle temporelle pertinente pour l’observation des entités spatiales (l’acquisition de données de télédétection, par exemple). Un autre problème est de savoir comment identifier les entités territoriales pertinentes dans le temps et entre différents systèmes territoriaux (identifier une « ville » en tant qu’agglomération de population urbaine, par exemple).

Autre défi : l’identification des processus qui tendent à augmenter les inégalités entre les entités territoriales (de revenu ou de PIB entre les pays, par exemple, ou bien de taille de la population ou de PIB entre les villes), et la compréhension du lien des réactions positives et des lois d’échelonnage avec la coévolution des individus et des organisations sociales. Cela soulève la question du rôle de la diversité sociale, culturelle ou économique associée à une grande échelle comparé au rôle de la spécialisation.

Comment pouvons-nous comprendre la transition entre les étapes (périodes de temps, régimes) où la dynamique est limitée par la disponibilité des ressources locales (systèmes écologiques), et les étapes où les innovations ou l’expansion des réseaux spatiaux suppriment les contraintes sur l’expansion du système ?

Les entités territoriales sont organisées en réseaux sociaux et spatiaux à travers des relations qui dépendent de la situation des communications et des transports. Au cours de l’histoire, la distance spatiale a représenté une lourde contrainte sur les interactions sociales, même si les relations à longue distance ont toujours existé. Aujourd’hui, de nombreuses relations semblent n’être plus ou être moins contraintes par la distance (et sa traduction en coût ou en temps). La contraction apparente de l’espace au fil du temps semble accroître les inégalités territoriales. Les changements de configuration des réseaux de transport ont des effets considérables sur la propagation des épidémies, alors que les conséquences des changements des réseaux de communication sont bien plus difficiles à évaluer.

Trois principales composantes de la dynamique des entités territoriales (telles que leur croissance en termes démographiques et économiques ou leur capacité potentielle en termes de durabilité) sont déjà parfaitement identifiées, mais restent à quantifier en tant que facteurs possibles de développement durable. Ce sont des ressources intrinsèques (paysages, capital humain, portefeuille des activités économiques, valeur du patrimoine), la situation géographique (position relative dans les réseaux économique, financier, géopolitique ou culturel, qui évoluent avec le temps), et le sentier de dépendance qui permettent et limitent un sous-ensemble de trajectoires dynamiques des territoires individuels. Par exemple, il est possible d’évaluer en termes de probabilités l’avenir des localités rurales en fonction de leur spécialisation économique, leur situation géographique par rapport aux villes de différentes tailles et fonctions, leurs propres ressources potentielles et la capacité d’initiative de leurs principaux décideurs. Dans le cas des villes et des zones métropolitaines, le poids de ces facteurs est différent. Cette importance peut être évaluée à partir d’études comparatives des lois d’échelle pour les répartitions des tailles des villes et des zones métropolitaines, qui révèlent l’incidence des principaux cycles d’innovation sur le développement urbain.

Un défi majeur de la recherche dans ce domaine est de trouver les données appropriées pour quantifier les interactions entre les territoires. Des données limitées sur les véritables interactions entre les villes, les régions et les pays (comme les flux migratoires ou les échanges commerciaux) peuvent être collectées, mais nous manquons souvent de données sur leurs échanges énergétiques, financiers ou d’information. Ces flux invisibles sont ceux qui entretiennent et construisent réellement la dynamique de croissance et de développement inégaux dans les territoires. Ils traduisent et créent les interactions générant des flux vitaux, mais sont généralement analysés d’une manière très différente, comme des « effets de réseau » ou résumés dans la rubrique « mesures de distance générales » qui cherchent à saisir la situation relative de chaque lieu au sein d’un système plus vaste. Tout moyen d’améliorer les connaissances sur ces interactions énergétiques, financières ou d’information cruciales, à tous les niveaux, devrait permettre d’importantes avancées dans l’analyse des dynamiques territoriales.

Les modèles expérimentaux de durabilité urbaine pourraient aider à développer des politiques afin de relever les défis de la raréfaction croissante de l’énergie ou d’un changement d’organisation des réseaux mondiaux financiers et d’information reliant les zones métropolitaines à travers le monde. Une question majeure concerne la menace à la stabilité mondiale qui surgira bientôt de la divergence grandissante entre croissance démographique et croissance économique : dans les deux ou trois prochaines décennies, les plus grandes métropoles du monde en termes de population seront également les plus pauvres en termes de production économique. Nous devons stimuler la réorganisation des flux mondiaux à l’échelle des territoires nationaux et des réseaux métropolitains pour évaluer le coût probable de la durabilité.


2.6.4. Hétérarchies, organisations multi-échelles

Une première distinction peut être faite entre les hiérarchies intégrées dans lesquelles les entités à macro-niveau incorporent récursivement les niveaux inférieurs, telles que les hiérarchies dans l’écologie (cellules, organes, organismes, etc.), et les hiérarchies non intégrées où les entités sont représentatives ou régissent les entités de niveau inférieur (comme dans les structures de gouvernement). Dans les deux cas, la hiérarchie dépend du point de vue : généralement, les hiérarchies intégrées peuvent être observées en regardant les échelles de temps relatives de la dynamique, et une entité de niveau supérieur dans un système non intégré peut être une entité de niveau inférieur au sein d’une autre organisation (représentative ou non représentative, par exemple). De nombreuses questions relatives aux systèmes complexes requièrent la combinaison de hiérarchies hétérogènes intégrées et non intégrées. Un certain nombre d’abstractions sont proposées pour permettre de décrire ces systèmes, telles que les multi-hyper réseaux (Jeffrey Johnson) et les structures holoniques (Koestler).

Les questions toujours ouvertes sont :

  • Comment représenter les structures holoniques et leur dynamique ?
  • Comment reconstruire la dynamique des structures holoniques et des réseaux multi-hyper à partir des données observées ?
  • Comment représenter ces structures et leur dynamique pour réaliser des prédictions ?

Lorsque l’on utilise des holons, la question est de savoir comment gérer leur double nature (autonomie vis-à-vis du niveau inférieur/hétéronomie vis-à-vis du niveau supérieur) et comment choisir le modèle d’autonomie le mieux adapté.

Les applications pourraient inclure la prise en compte de différentes sortes de hiérarchies dans les cultures modernes et traditionnelles, l’imbrication des mécanismes de gouvernance dans un territoire donné, etc.

Les processus qui génèrent et entretiennent les structures hiérarchiques (réseaux d’interaction en partie intégrés et en partie imbriqués) sont généralement les mêmes. La structure est à la fois définie par les différences qualitatives et les inégalités quantitatives entre les entités territoriales, suffisamment répandues sur des périodes de temps supérieures au système de comportement ou même au renouvellement générationnel de leurs éléments. Ces structures sont transformées progressivement ou de manière plus rapide à travers les processus d’innovation qui utilisent une partie de la structure (et « l’avantage comparatif » potentiel du territoire) pour introduire de nouvelles pratiques sociales ou de nouveaux artefacts.

Pour établir de meilleures prédictions sur la compétence territoriale à évoluer et à saisir l’innovation, nous devons mieux connaître les structures hétérarchiques. Quels méthodes et instruments peuvent être utilisés pour décrire et comparer les organisations hétérarchiques, en incluant le nombre de niveaux, leur degré de flexibilité ou d’intégration et leur articulation fonctionnelle ?

Pour être en mesure de prédire la capacité d’adaptation et d’innovation d’une entité territoriale, nous avons besoin d’une analyse et d’une classification des trajectoires historiques des entités territoriales, y compris leur sensibilité aux caractéristiques organisationnelles internes et aux perturbations extérieures. Cela représente de vastes explorations (extraction de données et modélisation dynamique) de l’évolution des entités territoriales dans le contexte socio-économique et géographique.