Posts

Intelligence territoriale et développement durable

Intelligence territoriale et développement durable

Rapporteur : Denise Pumain (université Paris 1).

Contributeurs : Pierre Auger (ISC-IRD-Geodes), Olivier Barreteau (Cemagref), Jean-Bernard Baillon (université Paris 1), Rémy Bouche (INRA),Danièle Bourcier (CNRS), Paul Bourgine (École polytechnique), Elisabeth Dubois-Violette (CNRS), Jean-Pierre Gaudin (IEP), Elisabeth Giaccobino (CNRS ), Bernard Hubert (INRA), Jean-Pierre Leca (université Paris 1), Jean-Pierre Muller (CIRAD), Ioan Negrutiu (ENS Lyon), Denise Pumain (université Paris 1).

Mots clés : espace géographique, configuration territoriale, régions rurales et urbaines, réseaux, systèmes de villes, gouvernance multi-niveaux et multi-acteurs, ressources, réglementation, développement durable, négociation, systèmes d’information géographique, automates cellulaires, simulation spatiale, systèmes multi-agents.

Introduction
Un territoire physique est un système qui intègre naturellement une variété de processus généralement étudiés par un grand nombre de disciplines différentes (économie, sociologie, etc.). Ces processus mettent en jeu des ressources naturelles et sociales avec leurs stratégies individuelles et collectives qui, ensemble, interviennent dans la construction du territoire. Les ménages, les entreprises ou encore les organismes publics entreprennent des actions planifiées et non planifiées, reproduisent des pratiques et élaborent des anticipations stratégiques. Des infrastructures physiques ainsi que des configurations socio-spatiales immatérielles de longue durée freinent ces actions et structurent le territoire à plusieurs échelles spatio-temporelles. L’étude de cette complexité justifie le recours à des modèles de simulation pour comprendre la relation entre les processus et les structures pour évaluer et préparer des actions collectives et individuelles ou mesurer leur impact sur la viabilité des structures spatiales. Ces modèles sont des instruments importants d’aide à la décision et, en tant que tels, peuvent aider à modifier l’évolution des territoires.

Grands défis

  • Comprendre la différenciation territoriale
  • Vers une gouvernance territoriale réflexive
  • Viabilité et observation des territoires

2.8.1. Comprendre la différenciation territoriale

Les territoires se recomposent aux différentes échelles, locales et mondiales, à la faveur de l’expansion des réseaux matériels et immatériels et de la diversification des lieux d’initiative. Des «territoires en réseaux » se dessinent aujourd’hui à partir des liens fondés sur les télécommunications et non plus, comme auparavant, sur la proximité géographique, à l’échelon des individus et des entreprises mondialisées, en même temps que se produisent des recouvrements partiels d’autres territoires, par exemple, lorsqu’ils relèvent de plusieurs centres de décision. Les modèles territoriaux classiques sont-ils toujours pertinents pour représenter les différenciations ? Par quoi les remplacer ?

L’évolution des territoires est généralement décrite en termes de géohistoire, de viabilité ou de capacité d’adaptation et d’innovation. Elle doit être mise en relation avec des processus tels que le développement d’institutions, d’innovations technologiques, de transformations des pratiques et des représentations sociales. Dans ce contexte, les modalités de circulation et de concentration de l’information sont essentielles. Souvent, les réseaux qui transportent une importante quantité d’informations ne peuvent pas être étudiés par l’observation et nécessitent la reconstruction de modèles de simulation. Le défi est de coupler les modèles dynamiques des interactions spatiales à différentes échelles aux informations géographiques qui permettent l’intégration et la visualisation des informations localisées, et l’évolution des réseaux et des territoires.


2.8.2. Vers une gouvernance territoriale réflexive↵

La gouvernance territoriale ne s’opère plus par un simple contrôle hiérarchique descendant, mais par un processus multi-niveaux impliquant de nombreux acteurs. Des structures de contrôle intermédiaires apparaissent entre les niveaux territoriaux. De nouveaux modes de légitimation sont inventés, entre démocratie représentative, participative et gouvernance inclusive. Par ailleurs, l’intérêt croissant pour la durabilité incite à prendre en compte les dynamiques naturelles qui opèrent à différentes échelles spatio-temporelles.

L’élaboration d’une gouvernance bien informée repose sur l’invention de nouveaux modèles de prise de décision prenant en compte les processus et les institutions, les configurations de compétition et de coopération, mais aussi les interactions symboliques et pratiques. Les dynamiques naturelles et sociales doivent être couplées en identifiant des niveaux d’organisation, des échelles temporelles et des maillages territoriaux pertinents pour instaurer un contrôle réflexif. Une autre difficulté est d’inclure la diversité des stratégies des acteurs dans ces modèles. De manière générale, la question est d’identifier les structures qui émergent au niveau intermédiaire et de comprendre les relations entre les niveaux micro, méso et macro.


2.8.3. Viabilité et observation des territoires

L’analyse rétrospective et prospective des territoires est essentielle pour l’acquisition de connaissances sur la viabilité à long terme des entités géographiques dans leurs dimensions sociales, économiques, écologiques et éthiques. Les questions de mesure sont ici fondamentales. Le choix des indicateurs, leur pondération, la définition des normes, l’identification des objectifs et des enjeux posent des problèmes spécifiques pour des territoires qui sont à la fois complémentaires et concurrents. Le défi est de construire des bases de données spatio-temporelles utiles au suivi et à la comparaison de ces évolutions.
Un problème majeur est celui de l’adaptation des sources d’information, ou leur création, issues des unités administratives ou politiques à un moment donné pour l’évaluation ultérieure des entités territoriales (villes, régions, réseaux) possédant leur propre dynamique. Le problème est crucial pour les études à long terme de la résilience et la vulnérabilité des systèmes urbains ou pour l’évaluation comparative des programmes de l’Agenda 21 (qui associe objectifs sociétaux, économiques et écologiques).